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Ce fut un véritable et dernier ultimatum signifié aux membres du congrès.

« Les fermiers, avec lesquels nous nous sommes alliés durant leur convention nationale dans cette ville l’automne dernier, était-il dit, ont rendu des services importans cet hiver, à Washington, à notre commun avantage, en établissant leur influence dans le congrès. Nous travaillons ensemble : les deux associations se sont alliées pour obtenir des lois qui leur ont été refusées par les anciens partis. Leurs deux comités exécutifs, siégeant à Washington, suivent de près les travaux des membres du congrès, et transmettent chaque semaine leurs rapports à leurs assemblées et loges.

« Les membres du congrès, envoyés par les états du midi et du sud-ouest, sont frappés de panique. Chacun de ces membres, qui désirera être réélu, devra accepter de nous un programme bien déterminé. S’il refuse, nous choisirons un candidat, démocrate ou républicain, qui l’aura accepté. L’Alliance des fermiers est chargée de veiller à ce que les bulletins de vote soient exactement comptés[1].

« Nos deux grandes associations espèrent obtenir dans le cinquante-deuxième congrès au moins quarante-cinq membres qui seront tous dévoués à leur cause, ainsi que plusieurs sénateurs. »

A bon entendeur, salut. Les républicains, ultra-protectionnistes, l’ont si bien compris que le bill Mac-Kinley, élaboré par le cinquante et unième congrès pour le remaniement du tarif général, qui au début s’accusait surtout favorable aux fabricans et aux industriels, n’a pu résister aux clameurs récentes des campagnes, devenues de plus en plus menaçantes, et vient de subir un nouveau remaniement, après avoir été repassé au crible des commissions d’enquête, appelées de toutes parts au Capitole. Désormais, la parole est aux événemens. Aujourd’hui, la crise est à l’état aigu. La lutte est engagée, aussi ardente dans la presse et dans le pays qu’au sein du congrès : elle intéresse tout l’avenir économique des États-Unis, et même, par contre-coup, celui de l’Europe. Elle peut toucher même à la constitution politique de la vieille Amérique. Jusqu’à ce jour, la puissante république du nord ne comptait que deux grands partis, les démocrates et les républicains, qui se succédaient au pouvoir, suivant les oscillations du suffrage universel plus ou moins vicié dans son expression. Désormais, il leur faut compter avec une troisième puissance, qui, selon qu’elle inclinera à droite ou à gauche, suivant l’orientation de ses intérêts, décidera

  1. Ceci vise l’escamotage habituel du bulletin de vote, dans les districts des hommes de couleur.