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jusqu’au XIVe siècle. Tout porte à croire seulement que les traditions de l’art bouddhiste chinois se sont maintenues sans grande originalité, que la plupart des peintres ont été des prêtres ou des moines, et que la première ferveur du sentiment religieux n’a pas tardé à être remplacée par un étroit formalisme scolastique. Mais de même qu’en Italie la vieille peinture religieuse, avant de céder la place à l’art réaliste des successeurs de Masaccio, avait incarné dans l’œuvre de Fra Angelico ses tendances mystiques et idéalistes, de même la vieille peinture religieuse du Japon, au moment où on la croyait morte, se réveilla, et réalisa dans les œuvres du poète Cho-Densu, ou Meïcho, son idéal ancien de pure et naïve beauté. Aussi bien Cho-Densu offre-t-il plus d’un trait de ressemblance avec le bienheureux maître de Fiesole dont il fut le contemporain. C’était un homme d’une dévotion profonde, étranger à toutes les passions temporelles, si peu enclin aux plaisirs de la gloire que ses supérieurs durent le forcer à mettre sa signature sur les tableaux qu’il peignait. M. Anderson et M. Fenollosa, qui ont vu ses tableaux au Japon, le placent au premier rang des peintres japonais ; du moins il est à coup sûr, avec Kanaoka, le plus religieux, celui qui a le mieux su donner à ses figures des expressions surnaturelles. Son dessin est encore peu correct ; mais l’ampleur de sa composition, la sûreté de son coup de pinceau, l’éclat et l’harmonie de ses couleurs, la grandeur des sentimens qu’il a traduits, toutes ces qualités, dont la trace se retrouve dans une belle peinture du British Museum, suffisent à justifier l’admiration des critiques. Cho-Densu, d’ailleurs, paraît n’avoir jamais cherché qu’une vérité idéale : il est le seul des grands peintres japonais dont les légendes ne vantent point l’adresse à tromper les yeux. Moins heureux que Fra Angelico, il n’a pas eu un Benozzo Gozzoli pour continuer son œuvre : à sa mort, en 1427, la peinture religieuse est retombée aux mains de moines routiniers, tandis que se développait en dehors des couvens l’art tout profane de l’école de Tosa.

En 1050, un noble de la cour, Motomitsou, fonda une école nationale de peinture, le Yamato, qui délaissa les sujets religieux et prétendit affranchir l’art japonais de toutes les influences étrangères. Deux cents ans plus tard, l’école Yamato était devenue assez importante pour se substituer à l’ancienne Académie impériale, et c’est elle qui, sous le nom d’école de Tosa, a gardé le monopole de l’enseignement artistique officiel jusqu’à la Renaissance du XVe siècle. Au-delà même de cette époque, et jusqu’aux premières années de notre siècle, elle a maintenu son indépendance et ses traditions.

Il nous est malheureusement impossible d’apprécier la véritable