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dans la ville ; » celle de Bourges était devenue le fief d’un beau-père et d’un gendre ; celle d’Orléans laissait vacantes dix ans de suite des places d’agrégés et ne se résignait à y pourvoir que sur « la requête du parlement et les injonctions du chancelier. » Sans doute, l’école de médecine de Montpellier se surveillait davantage ; les études y étaient toujours sérieuses et le travail régulier ; elle comptait parmi ses professeurs des noms très honorables, comme ceux de Broussonnet et de Gouan, et Barthez venait à peine d’y être nommé. Cependant, elle n’était pas elle-même sans reproche. On vient de voir avec quelle lenteur et quelle répugnance elle avait accueilli les découvertes nouvelles et les résistances qu’elle avait opposées aux innovations les plus indispensables. Ce fut le malheur des universités de cette époque, même les plus éclairées, de se tenir enfermées trop rigoureusement chez elles, dans leurs principes et leurs traditions, et de ne pas se mêler assez au mouvement général : elles devraient toujours le diriger ; elles avaient peine à le suivre. « Quel contraste, dit très justement M. Liard, que celui de la science et de l’enseignement au XVIIIe siècle ! c’est une époque où tout se renouvelle et où tout se prépare : le vrai système de l’univers physique est trouvé ; dans les diverses provinces de la nature, même dans les infiniment petits, les lois des phénomènes commencent à être senties, et, chose sans précédent et d’une portée incalculable, l’homme et la société deviennent objets de science. Dans ce mouvement, les universités ne sont pour rien, et ce mouvement n’est presque rien pour elles. Le XVIIIe siècle savant s’est fait en dehors d’elles et sans elles. Non-seulement elles ne contribuent pas à la science par leur activité propre, mais, ce qui est plus grave, elles n’en admettent que difficilement et tardivement les résultats. D’une façon générale, elles ne s’inspirent pas de l’esprit scientifique, elles n’usent pas des méthodes scientifiques. Jamais on ne vit disproportion pareille entre l’état de l’enseignement et celui des connaissances. »

Il faut pourtant faire une réserve. Parmi ces universités, il y en avait une qui présentait un caractère particulier, et à qui l’on pouvait moins faire qu’aux autres le reproche de s’être isolée de la science ; c’était celle de Strasbourg. Elle devait à son heureuse situation et à ses relations fréquentes avec l’Allemagne de ne pas s’être endormie dans la routine. Elle avait profité de tout ce qui s’était fait de bon au-delà du Rhin. C’est ainsi que chez elle, dans la faculté de droit, on ne s’en tenait pas à expliquer les Institutes et à commenter le code théodosien ; on enseignait aussi le droit public et le droit des gens. Quand l’abbé de Périgord, celui qui fut plus tard le prince de Talleyrand, voulut se préparer à la diplomatie et