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ne pouvait pas se passer, mais, à l’exemple des facultés de philosophie de l’Allemagne, on imagina de fonder un enseignement supérieur, littéraire et scientifique, sous le titre de facultés des sciences et des lettres. Par malheur, en les créant, on ne leur donna pas le moyen de vivre. On ne leur rendit pas la philosophie, qui resta la propriété des collèges ; et, comme les écoles spéciales continuèrent d’exister à côté d’elles, il leur fut impossible d’avoir des élèves véritables, et elles furent réduites à se contenter d’un auditoire de curieux, quand elles pouvaient se le procurer. C’était une situation fâcheuse, qui les condamnait à ne mener qu’une existence misérable. Je n’ai pas besoin de dire tout ce qu’on a fait, depuis quinze ans, pour y remédier : ceux qui viennent d’assister aux fêtes de Montpellier l’ont vu de leurs yeux ; ils ont pu constater l’élan que l’enseignement supérieur a pris dans les provinces, grâce aux libéralités de l’État et à la munificence des villes. On l’a logé partout dans des bâtimens vastes et commodes qu’on a faits ou refaits pour lui ; on l’a pourvu abondamment de laboratoires, de bibliothèques, de collections de toute sorte ; on a créé des chaires nouvelles qu’on a confiées à de jeunes maîtres dont le zèle et l’ardeur ont renouvelé l’enseignement ; enfin, ce qui est plus important que tout le reste, on a remplacé par des étudians véritables et laborieux ces auditeurs de rencontre qu’un cours sérieux mettait en fuite. De tout ce qu’a tenté la France, depuis ses désastres, pour essayer de les réparer, il n’est rien, je crois, qui lui fasse plus d’honneur et dont elle doive tirer un jour plus de profit.


V

Et maintenant ; que reste-t-il à faire ? — On pense bien qu’à Montpellier, dans cette réunion de professeurs venus de tous les pays, ce sujet était fort débattu. Il est de trop d’importance pour que j’essaie de le traiter ici tout entier en quelques pages ; je n’en veux dire qu’un mot et me borner à l’essentiel.

D’abord, comme il était fort naturel, on parlait beaucoup de la création des universités provinciales. On savait la mesure décidée en principe, et l’on se doutait bien que les fêtes de Montpellier devaient en hâter l’exécution. C’est une question qui n’est pas nouvelle pour les lecteurs de la Revue. Elle a été déjà posée devant eux, il y a quelques années, par M. Bréal[1], et dernièrement M. Liard l’a traitée avec une abondance d’information et une

  1. Voyez, dans la Revue du 15 février 1877, l’article sur la Réorganisation de l’enseignement supérieur et les Universités nationales, par M. Michel Bréal.