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les universités après la renaissance, et précisément M. Germain nous apprend que Louis XV en créa dans l’école de médecine de Montpellier[1]. L’institution, comme on voit, était ancienne, et elle n’avait jamais cessé d’exister ; seulement on lui donna cette fois un caractère plus régulier et plus large. L’État créa d’un coup trois cents boursiers de licence, puis deux cents boursiers d’agrégation. La mesure était heureuse, et c’est d’elle que date le rajeunissement de notre enseignement supérieur. La présence de quelques boursiers dans nos facultés de lettres et de sciences a déterminé vers elles un courant dont tout a profité. Le progrès qui s’est accompli dans ces dix ou douze années ne peut être mis en doute, et, ce qui achève de prouver qu’il n’est contesté de personne, c’est que l’étranger lui-même a repris le chemin de nos écoles que, depuis 1870, il ne connaissait plus. Il nous avait déserté, après nos désastres, pour aller chez nos vainqueurs ; il commence maintenant à nous revenir. D’après les calculs officiels, qui ont été faits cette année même, les écoles de Paris contiennent plus d’un millier d’étudians qui viennent de tous les pays du monde. A l’université de Berlin, on ne compte que 331 étrangers.

Il y a pourtant, au milieu de cette prospérité, quelques points noirs que nous ne devons pas dissimuler. D’abord tous nos professeurs de facultés se plaignent de la faiblesse toujours croissante des élèves qui leur arrivent tous les ans des lycées. Il est sûr que la décadence des études classiques dans les collèges entraîne des résultats très fâcheux pour nos universités. Si les élèves qui viennent en suivre les cours ne savent pas le latin, il faudra commencer par le leur apprendre, et le professeur, au lieu de leur donner une culture savante, sera bien forcé de leur enseigner le rudiment. On comprend qu’il ne s’y résigne pas volontiers : malheureusement ce mal dont souffrent les universités, il ne leur appartient pas de le guérir. Elles sont solidaires sur ce point de l’enseignement secondaire et s’il ne se relève pas, il leur sera difficile de se soutenir. Voici un autre danger, moins grave peut-être, mais plus prochain. Le nombre des étudians s’étant fort accru dans nos facultés, elles ont naturellement décerné beaucoup plus de grades. Rien n’est plus légitime. Autrefois, dans les bonnes années, on faisait, en France, 60 licenciés es sciences et 80 licenciés es lettres. L’an dernier, il y a eu 300 licenciés es lettres et 360 licenciés es sciences. C’est à peine assez, si l’on songe aux 3,700 étudians qui suivent les leçons de nos professeurs, mais pour les besoins de

  1. Il est intéressant de voir ce que coûtait un boursier à cette époque. On lui donnait 600 livres par an pour sa subsistance, 50 livres pour les livres et instrumens et 100 livres pour le maître d’anatomie, les opérations et les bandages. Avec cette somme, ils étaient certainement aussi riches que les boursiers d’aujourd’hui.