Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/271

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HALLALI ! ~H)Ï) conclusion à Edgar Lecourtois, celui-ci s’en allait d’un pas ferme et mesuré, comme un homme qui ne désire nullement qu’on le rappelle, mais qui ne craint point qu’on l’oblige à rétrograder. 11 n’avait pas iait dix pas dans le couloir que Frantz le hélait dou- cement. — Monsieur Lecourtois, dit-il, le rouge au front et d’une voix étouffée, un seul mot encore, je vous prie... Croyez-vous que M me Frugères?.. Edgar ne le laissa pas achever, ou plutôt lui en épargna la peine. — Certes! fit-il, et avec plaisir. Adressez- vous donc à elle... Par- bleu ! c’est le conseil que je brûlais de vous donner tout de suite en termes explicites; mais en prendre l’initiative, c’eût été à peu près l’équivalent de ce que je ne voulais pas faire : trop parler sans qu’on m’en eût sommé. Real, après le départ d’Edgar, alla, pensif et plus calme, s’ap- puyer du iront à sa fenêtre. Il resta là longtemps, des heures peut-être, sans rien voir que le blanc gravier du parc reluisant aux étoiles... Mais, à un certain moment, il aperçut un homme ou une ombre humaine qui traversait la grande pelouse ; il vit cet homme ou cette ombre s’avancer d’une allure indécise jusque vers le milieu de la pelouse, puis s’arrêter en face du château, hésiter, revenir sur ses pas et finalement disparaître. — Cet homme, c’était le châtelain de Rubécourt en personne. Frantz, en le reconnaissant, avait eu d’abord une sensation d’hal- luciné conscient : il lui avait paru improbable que ce fût bien là le baron de Buttencourt en chair et en os, et il avait préféré croire à une évocation mystérieusement déterminée par la fixité involontaire de sa pensée. Cependant, l’illusion n’avait pu durer : maint indice, — et, par exemple, le bruit des pas sur le gravier, à l’instant pré- cis où le fantôme vivant quittait la pelouse, — avait contribué à la dissiper. C’était le baron lui-même! Alors, une sueur d’agonie avait mouillé les tempes de M. Real. Retenant son souffle, qui ressem- blait à un râle, il s’était penché autant qu’il l’avait pu derrière son carreau, pour suivre du regard le nocturne promeneur jusqu’au terme de sa promenade ou de sa course. Ensuite, il avait respiré : le baron, venu de l’aile droite du château, était retourné à son point de départ; et c’était dans l’aile gauche que se trouvait logée Marie-Madeleine. Donc, simple fugue de noctambule agité, simple rêverie promenée sous les étoiles d’un beau ciel et sous la fenêtre de la bien-aimée ! Après cette nuit sans sommeil, quoique traversée de cauche- mars, Real prit son parti d’être lâche, c’est-à-dire de faire causer M me Frugères. Sa lâcheté lui semblait excusable, — et l’était, sans