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HALLALI ! 269 — Mais, hasarda Frantz, qui donc, pour continuer l’emploi de l’idiome militaire, qui donc, sur cet annuaire d’un nouveau genre, figure avec le numéro un ? — Vous savez bien que c’est M. de Buttencourt. A tout sei- gneur. . . — Et les autres ? — Les autres sont des seigneurs... sans importance. — Merci pour moi. — Je ne parle pas de vous, en ce moment, mais de ceux qui peuvent vous porter ombrage. Je vous ai même reconnu tout de suite une belle chance... Et votre chance, vous m’avez l’air de la juger trop belle, à présent. — Oui, mais cette histoire, après tout, qu’est-ce ? Amourette rompue, fiançailles manquées, feu de paille depuis longtemps éteint... — Oh! feu de paille, que non pas! Et nullement éteint... Ça pourra même fort bien mettre le feu à la maison, quelque jour... Du reste, si vous ne le pensiez pas, que parleriez-vous de traque- nard, de piège épouvantable? — Eh bien! tenez, je vais vous livrer mon jeu. J’ai dit cela pour apprendre quelque chose, car je ne sais rien, mais rien de rien!., hors ce que vous m’avez donné à penser, hier au soir et à la chasse. D’ailleurs, je n’ai jamais été fort encouragé, bien que je sois fort épris. — Ah! fit la ravissante M me Frugères sans se mordre les lèvres, mais plutôt en y passant sa langue d’un air gourmet. Il parut à Frantz que cette petite langue coralline était humide d’un venin rose, tout frais distillé. Et il ressentit une impression de dégoût nullement justifiée par le dehors des choses. — Ah! fit encore une fois la jeune femme. Vous m’étonnez. Car votre mot, le mot traquenard, semblait bien avoir été choisi en connaissance de cause... quoiqu’il ne s’agisse pas de prendre un animal nuisible, tant s’en faut! Un mari, songez donc! — 11 y a donc bien réellement un piège tendu? demanda Real en tremblant. — Je le crois. Reste à savoir à qui. D’après ce que vous dites, vos affaires n’étant pas fort avancées, ce n’est pas plus à vous qu’à un autre. — Mais quel piège? quel piège enfin? — Vous souvenez- vous d’avoir lu, il y a quelques années, dans les journaux, le récit tragique d’une aventure nocturne où... — Attendez! interrompit Frantz. Oui, je me rappelle... Cela s’était passé à l’étranger. Un grand seigneur marié et qui avait l’âme d’un rustre, car ces choses-là se voient surtout, dit-on, dans