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enfans à une carrière spéciale dès l’âge de treize ans. Demandons-leur simplement s’ils veulent que leur enfant étudie jusqu’à dix-neuf ans ou même, dans l’enseignement supérieur, jusqu’à vingt et un ans. « C’est, comme on l’a dit, la seule question qui soit vraiment à la portée de tous, et c’est une question que les parens ont seuls qualité pour trancher. » On organisera alors un enseignement secondaire unique avec de simples ramifications finales déterminées par les aptitudes, par les goûts qui se seront déclarés dans le cours des études, par le pressentiment même de la carrière future. On laissera, dans les dernières années, une certaine latitude pour le choix de cours facultatifs, jointe à une extrême sévérité pour le maintien des cours communs et essentiels. Si un élève entrevoit l’École de Saint-Cyr ou l’École polytechnique, il n’aura qu’à fortifier son enseignement scientifique par le choix des cours appropriés. Il ne fera pas de grec, il fera moins d’histoire et de géographie, il ne suivra pas tel cours d’esthétique ou d’histoire de la littérature, etc. ; mais il continuera l’étude sérieuse du latin, du français et de la philosophie. Quoique préparé pour telle école du gouvernement, il n’en sera pas moins, en réalité, apte à toute profession libérale. Muni du latin, du français, de la philosophie et de la théorie des sciences, il pourrait faire, avec un supplément de quelques études particulières, un bon magistrat aussi bien qu’un bon ingénieur, un bon professeur aussi bien qu’un bon officier. Il n’aura pas l’esprit rétréci par cette façon servile d’entendre la science qui constitue la cuisine préparatoire aux écoles du gouvernement. Ces écoles perdraient-elles à se peupler d’esprits vraiment cultivés, complets, ouverts à tout ce qu’il y a de grand dans les choses de l’esprit, sachant écrire en français, au courant des questions littéraires, morales, sociales, philosophiques ?

En un mot, fortifier en la restreignant à ce qui est fondamental l’étude des sciences, pour tous les élèves, fortifier de même et par le même moyen l’étude des littératures française et latine, de l’histoire générale, de la philosophie ; laisser aux élèves le choix entre l’étude du grec ou l’étude de certaines parties des sciences : tel serait le moyen le plus court de maintenir l’unité fondamentale de l’enseignement secondaire : la même sève nourrirait l’arbre entier et il n’y aurait de divers que les branches les plus hautes. On conçoit très bien qu’une éducation dans laquelle le grec et quelques autres études seraient remplacés par une étude plus approfondie des mathématiques et de la physique soit une éducation libérale. Il y aurait alors une véritable équivalence entre le baccalauréat ès lettres et le baccalauréat ès sciences, au point de vue de la culture intellectuelle et morale. Aujourd’hui, le diplôme