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Au moment de partir, nos hommes nous déclarent qu’étant très lourds comme tous les étrangers, nous devons payer double. Nous rions d’abord à ce que nous croyons être une plaisanterie. Mais voyant que leur prétention est sérieuse, après avoir argumenté sans résultat, nous déclarons que, forts de notre bon droit, nous allons en appeler sur-le-champ à l’impartialité du ko-tyo, c’est-à-dire de M. le maire. Cette menace a plus de succès que le raisonnement, et ce léger nuage dissipé, nous n’avons qu’à nous louer du service de nos traîneurs.

Ce n’est qu’aux environs de Takasaki que la campagne commence à se montrer peuplée. Les étrangers ont souvent ainsi l’occasion de remarquer combien la montagne, qui recouvre la plus grande partie du Japon, est peu habitée ; chose d’ailleurs très naturelle et qui n’est pas à être mentionnée pour l’existence du fait. Mais la conséquence de cette observation est qu’en comparant le chiffre de la superficie de l’empire à celui de sa population, on a peine à croire que les statistiques officielles, en ce qui concerne le recensement, soient exactes. L’aire totale du Japon est de 380,000 kilomètres carrés ; le nombre de ses habitans, d’après les documens publiés il y a quelques années, dépasserait 36 millions. Sur les 380,000 kilomètres carrés, si on défalque 94,000 kilomètres constituant l’apport de la grande île Yéso et des Kouriles, dont la population est relativement insignifiante (en tout, moins de 200,000 habitans), il reste un chiffre de 286,000 kilomètres, représentant un peu plus de la moitié de la France. Le Japon proprement dit serait donc en moyenne près de deux fois plus peuplé que notre pays. Cette proportion peut s’admettre pour une partie de la côte et pour certaines régions centrales, mais elle paraît être inverse sur de vastes espaces. Ajoutons que les villes de 200,000 âmes et au-dessus sont moins nombreuses et comparativement moins importantes au Japon qu’en France. On sait que Tokio ne compte pas même 1 million d’habitans.

Quoi qu’il en soit, les Japonais sont industrieux, ouverts, gais et sympathiques. La plupart des étrangers qui ont vécu au milieu de ce peuple l’ont jugé favorablement et ont pris congé de lui en lui souhaitant bonne chance. C’est par le même vœu que s’achève cette relation.


Louis BASTIDE.