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avait joué dans les derniers temps du moyen âge. On retrouvait, dans son organisation, bien des vestiges de son ancienne indépendance. La « Duché » n’avait pas absolument séparé son sort de celui de la « Comté, » qui continuait à s’appeler « Franche. » Les États de Bourgogne se tenaient, tous les trois ans, à Dijon, et détendaient avec vigueur les privilèges de la province, notamment en matière d’impôts.

Dans la ville même, à côté de la Maison du Roy, dont la forte et haute tour était à demi ruinée, on voyait les logis des seigneurs qui avaient été les premiers vassaux des ducs de Bourgogne : Orenge, Le Vergi, Ruffé, Conches, Saulx, Luc, Tavannes, Ventoux, Senecey, Rothelin, Pleuvot.

Le maire, nommé chaque année à la pluralité des voix, prenait le titre de Vicomte-Maïeur : « C’est à la requête du maire de Dijon que les rois, entrant en cette ville, jurent, en l’église Saint-Benigne, de conserver et confirmer les privilèges inviolables de ladite ville, et, réciproquement, icelui maire jure au roi fidélité et secours pour et au nom de tout le pays ; en signe de quoi ce Maïeur lie une banderole ou ceinture de tafetas blanc à la bride du cheval du roi et le conduit jusques à la Sainte-Chapelle, étant accompagné de vingt et un échevins. »

Autun, la vieille cité, était bien diminuée de son antique splendeur ; mais Mâcon, Chalon, Nevers, étaient des villes fortes et opulentes. Le duché de Nivernais contenait onze villes closes, et Nevers, sa capitale, onze paroisses.

Dès qu’on était arrivé dans ces régions, la proximité de la capitale se faisait sentir par l’étonnante activité de la batellerie. Dans un rayon de quarante lieues autour de Paris, les rivières étaient encombrées. Les bois flottés partaient du Nivernais, du Morvan, et soit « à bûches perdues, » soit en « trains", » gagnaient la ville ; puis c’étaient les chalands portant le charbon, les foins et les vins de Bourgogne, les blés et le laitage de la Brie ; puis c’étaient les coches couverts de monde, lentement tirés par des haridelles qu’il fallait dételer à chaque obstacle. Mais on prenait patience ; car Paris était au bout, et ce n’était pas sans émotion que le voyageur apercevait enfin, de loin, par-dessus le plat pays, les tours de Notre-Dame et qu’il venait débarquer en Grève, au plein cœur de cette ville qui, depuis si longtemps, l’attirait.


GABRIEL HANOTAUX.