Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/491

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HALLALI ! à&b de décision et d’entrain, ce demi-sourire allié à l’émotion du re- gard, tout contribuait à faire, pour l’instant , du jeune comique amateur un de ces types mixtes, chers aux anciens auteurs dra- matiques, et dont on ne sait jamais s’ils vont vous faire rire ou vous faire pleurer. Mais le fiancé de Marie-Madeleine avait autre chose en tête que le souci de l’observation. Et il trouvait que c’était acheter bien cher la satisfaction de savoir M me Frugères réduite aux suppositions calomnieuses et M. Lecourtois ignorant de son malheur, que de l’acheter au prix d’une recrudescence de ses tourmens. Car, hélas ! il avait vu de ses yeux, entendu de ses oreilles; rien ne pouvait empêcher ni diminuer sa certitude : il n’avait de recours que dans l’oubli, et peu lui importait dès lors que d’autres n’eussent surpris ou connu que des faits sans signifi- cation précise. Aussi congédia-t-il rapidement son visiteur en le remerciant beaucoup de sa démarche, mais en lui affirmant qu’elle était inu- tile, attendu qu’il n’avait jamais cru que ce qui était croyable. — Elle ne fut cependant pas tout à fait inutile, cette démarche, puisque Frantz lui dut la résolution d’interroger Marie-Madeleine sur ses in- tentions définitives et qu’il put le faire dès le lendemain. La jeune fille lisait, seule en un exquis boudoir qu’elle s’était réservé à côté du grand salon paternel, dont le luxe, d’assez haut style pourtant, mais trop solennel, avait toujours offensé son goût. Sur les tentures claires la douce lumière d’un bel après-midi d’hiver projetait son hésitante gaîté ; des fleurs de serre et des violettes de Nice s’épanouissaient dans une jardinière, exhalant un parfum vague, très discret, qui se confondait avec une molle senteur d’iris partout répandue. Les meubles étaient recouverts, çà et là, d’étoffes brodées qui semblaient y avoir été jetées négligemment, un peu à l’aventure. De menus objets ayant tous ou presque tous une valeur artistique, quelques livres épars, et deux corbeilles en un demi-désordre achevaient de donner à la pièce son caractère d’élé- gance familière, d’intimité confortable et intelligente, exempt d’ap- prêt, — en apparence. — C’était un intérieur des plus féminins,, presque trop féminin, et tel que l’on n’eût pu dire d’abord s’il de- vait servir de cadre à des rêveries de jeune fille plutôt qu’à une existence de jeune femme. L’impression délicieuse que l’on res- sentait en y pénétrant était plus complexe qu’il n’eût fallu peut- être : on devinait un peu trop une experte habileté de femme dans le mélange, l’association, la fusion, l’harmonie de tant de détails heureusement combinés pour plaire. — M. Hart vous laisse bien seule ! dit Frantz entrant. — Oui, répliqua Marie-Madeleine en posant son livre. C’est une vieille habitude... Mon père et moi, réduits de bonne heure au tête-