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HALLALI ! 499 sine, d’y revenir. Or, j’ai une raison supplémentaire de désirer que vous me dispensiez de renouveler ou de prolonger le sacrifice. — Une raison nouvelle? — Je vous demande de ne pas insister pour la connaître. Il s’agit d’une observation que l’on m’a faite, d’une réflexion que l’on m’a suggérée. — Soit!.. Mais ne faut-il pas que je m’entende avec Hélène? — Eh bien ! que ce soit aujourd’hui même ou demain, je vous en prie... Vous restez muette? — A mon tour, je réfléchis. — Réfléchissez donc jusqu’à demain, mais pas plus longtemps, je vous en conjure !.. Rappelez -vous ce que j’ai enduré à cause de vous, représentez-vous ce que je dois endurer encore; et, par pitié ! abrégez un supplice qui s’aggrave de tout ce que ces lieux m’infligent de contrainte... et pourraient, d’un jour à l’autre, m’in- fliger d’humiliation et d’anxiété. La promenade se continua dans le silence. Marie-Madeleine mar- chait d’un pas lent, les yeux fixes, regardant droit devant elle. A la voir cheminer ainsi, morne et absorbée, les mains dans son man- chon, la taille emprisonnée dans une jaquette d’astrakan, on eût dit une jeune veuve plutôt qu’une fiancée, mais une veuve ado- rable et, malgré tout, resplendissante de fraîcheur et de beauté. Comme, ayant contourné le village, les deux taciturnes prome- neurs suivaient, pour revenir vers le château, la marge d’une tran- chée profonde où est encaissée la voie ferrée qui longe, à travers bois, l’un des bords du plateau de Rubécourt, un train venait de quitter la station voisine et filait, en sifflant, entre les arbres, au- dessous de l’étroit sentier. Au même instant, une voiture, venant de gravir la rampe boisée qui relie le plateau à la ligne du chemin de fer, débouchait, un peu plus loin, dans la plaine. Marie-Madeleine s’arrêta net. — Qui donc le bonhomme Soudier, — demanda-t-elle, la voix tremblante, — ramène-t-il dans sa patache? Le père Soudier et sa patache ne se dérangeant pas, d’ordi- naire (faute d’un intérêt suffisant), sans avis préalable, c’était, en effet, un petit événement que leur apparition sur la route de la gare. — On n’attend personne au château ? Pas de domestique ? — Personne, que je sache... Ah! — Qu’v a-t-il? — Il y a que c’est M. de Buttencourt qui est dans la voiture et son valet de chambre qui est sur le siège... Le visage de Marie-Madeleine était profondément altéré par une émotion qu’elle s’efforçait de contenir, sinon de dissimuler. Celui