Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le peuple, selon le récit traditionnel, était sur la muraille et entendait tout cela. Les trois fonctionnaires juifs furent effrayés de l’effet que de tels discours pouvaient produire sur la foule. Ils prièrent le grand échanson de parler en araméen, langue qu’ils comprenaient, et non en hébreu. Mais le grand échanson continua de s’adresser à la multitude. Il n’aurait pas caché aux Hiérosolymites que le plan de son maître, après son retour victorieux de l’Egypte, était de les transplanter, pour les soustraire au voisinage de leur allié naturel ; il promettait seulement que le pays qu’on leur donnerait vaudrait la Judée en fertilité. Iahvé est un Dieu impuissant ; il ne les sauvera pas ; Iahvé, au fond, est pour les Assyriens. Les dieux des autres peuples n’ont sauvé aucun de leurs cliens des mains des Assyriens.

La conduite d’Isaïe, en ces circonstances difficiles, parait avoir été des plus correctes. Le prophète assurait que Iahvé saurait venger son honneur, que les Assyriens pourraient bien encore par leur présence empêcher une fois la moisson, mais que, l’année d’après, les semailles se feraient, qu’en aucun cas l’ennemi n’assiégerait Jérusalem. Iahvé sera le plus fort. Le juste sera sauvé.

« Qui est le juste ? » demandaient les railleurs.


C’est celui qui marche droit et parle vrai,
Qui refuse les gains de l’iniquité,
Qui secoue la main pour repousser les présens ;
Qui ferme son oreille quand on lui parle de sang,
Qui clôt ses yeux quand on lui propose le mal ;
Voilà celui qui habite sur les pics,
Qui a pour asile les créneaux du rocher ;
Son pain lui est garanti d’avance,
Sa ration d’eau est assurée[1].


Un seul cri sortit de la bouche des piétistes durant ces jours d’angoisse :


Iahvé est notre juge,
Iahvé est notre législateur,
Iahvé est notre roi ;
C’est lui qui nous sauve.


Effectivement, les affaires de Sennachérib s’embrouillaient de plus en plus. Tahraqa, qui venait de conquérir l’Egypte, s’avançait pour l’attaquer. On apprit bientôt que l’armée assyrienne quittait la Judée et le pays des Philistins pour aller au-devant de

  1. Allusion au rationnement du pain et de l’eau pendant le siège.