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L'EXPEDITION D'EGYPTE

FRAGMENT DES MEMOIRES MILITAIRES DU COLONEL VIGO ROUSSILLON (1793-1837)

PREMIÈRE PARTIE.

Les sciences militaires ont fait, depuis un siècle, d’incontestables progrès ; ceux de la balistique particulièrement et des projectiles explosibles ont produit, dans toutes les autres branches, une véritable révolution. L’ancienne fortification a été abandonnée, toutes les tactiques ont dû être changées. Les charges de l’infanterie, et de la cavalerie sur l’infanterie, sont devenues presque impossibles, en présence des armes à tir rapide ; le combat corps à corps tend à disparaître. Regrettons-le, car c’était autrefois un élément de supériorité pour les Français, comme le prouvent les récits qui vont suivre.

Les effectifs ont décuplé ; partout, en Europe, on cherche à remplacer la qualité par le nombre. On se préoccupe avant tout de transporter, en quelques jours, à de grandes distances, 500,000 hommes et 100,000 chevaux, avec un immense matériel. Il faut arriver les premiers ! Et l’on espère vaincre les grandes difficultés administratives qui résulteront de ces agglomérations inouïes de combattans.

L’art de la guerre s’est-il amoindri et doit-il devenir, comme on l’a dit, une science exacte ? Après l’avoir ramené à une science morale et politique, croit-on pouvoir le remplacer aujourd’hui par des formules ? Nous ne le pensons pas, parce que entre deux armées opposées,