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de monde dans le lointain. Le général Rampon affirmait que ceux qui approchaient étaient des populations amies. Une grande partie des nouveaux-venus étaient à cheval. Les Arabes avancèrent tranquillement jusqu’à nos gardes avancées. Elles étaient sous les armes. Tout à coup, ils fondirent sur elles la lance à la main. Le feu des grand’gardes les arrêta, mais cette attaque fut le signal de la révolte.

A peine eûmes-nous pris les armes et fûmes-nous sortis pour protéger nos gardes, que notre camp fut envahi et pillé par les habitans du village qui se disaient nos amis. Le général Rampon occupait une grande maison dans laquelle il était cerné avec la compagnie de grenadiers. Il fut bientôt dégagé, mais comme il se croyait entouré d’amis, il n’avait même pas fait seller ses chevaux. Il les abandonna, ainsi que tous ses effets, et se hâta de rejoindre le gros du bataillon, qui tenait tête à cette nuée d’ennemis.

Ceux-ci poussaient des cris affreux et faisaient sur nous des charges continuelles, quoiqu’elles leur réussissent mal.

Notre position était très critique. Nous n’avions pas 300 hommes en état de combattre. Tous les autres, atteints des redoutables ophtalmies du pays, étaient aveugles ; ils suivaient leurs camarades au feu, eu les tenant par les basques de leur habit. Comme nous étions dans cette situation cruelle, nous vîmes descendre de la montagne du Mokatan, en arrière du village, une nuée d’ennemis. Ils coururent se réunir à ceux de la plaine en poussant des cris épouvantables, puis ils firent ensemble une charge générale. Nous les reçûmes avec sang-froid et nous couvrîmes la terre de leurs morts. Ils ne nous faisaient pas grand mal, parce que cette multitude n’était, en général, armée que de lances et de bâtons ; elle n’avait qu’un très petit nombre de mauvais fusils, mais nous fûmes bientôt contraints de cesser de tirer, parce que nous manquions de cartouches. Tous nous retirâmes, en combattant, et nous fîmes notre retraite vers le Nil où se trouvaient nos deux avisos. Ils nous protégèrent en envoyant à ces paysans quelques boulets et quelques boîtes de mitrailles qui les arrêtèrent. Nous plaçâmes nos blessés sur les navires et passâmes la nuit, au bord du Nil, assez inquiets de notre situation. Au jour, nous reconnûmes que ce ramassis d’Arabes avait disparu comme il était venu.

Nous nous rapprochâmes du Caire. Nous brûlâmes un village qui avait fait feu sur notre avant-garde. Le 9, nous passâmes auprès des villages d’Udi et de Kubah. Le général nous fit bivouaquer au milieu des terres et sans feu.

Le 10, nous arrivâmes au village de Thévené. Les habitans nous reçurent à coups de fusil et blessèrent un hussard. Tout ce