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arrière, quand, un soir, on aperçut à l’horizon une sorte de caravane qui semblait se diriger vers El-Arisch ; c’était un convoi destiné aux assiégés. Ce convoi parut à notre armée une proie assurée, et on attendit la nuit avec impatience. Dès qu’elle fut venue, la cavalerie partit, soutenue par de l’infanterie. Le convoi fut enlevé en entier, et il nous rendit une sorte d’abondance. Cependant les murmures augmentaient et les plaintes des soldats devenaient bruyantes ; elles étaient parvenues jusqu’au général en chef, qui répondit à Berthier que l’on avait vu, en semblables circonstances, des troupes manger leurs havresacs et leurs banderoles de giberne. Cet argument eut peu de succès. On répondait qu’une garnison assiégée et ayant l’espoir d’être secourue, avait pu, par ce moyen extrême, prolonger sa résistance pendant quelques jours, mais qu’au début d’une expédition, en rase campagne, et à portée d’un pays de production comme l’Egypte, la disette d’abord et la famine ensuite engageaient absolument la responsabilité de celui qui commande.

La garnison du fort d’El-Arisch, manquant elle-même de vivres, et n’ayant pu recevoir le convoi qui lui était destiné, capitula le 3 ventôse. Son effectif était de 1,300 hommes. Les officiers furent envoyés au Caire ; les soldats suivirent l’armée jusqu’à Jaffa, où ils devaient avoir le même sort que les défenseurs de cette place.

L’expédition de Syrie avait commencé par des fatigues et des privations ; elles expliquent les épidémies qui ne tardèrent pas à assaillir l’armée.

Ibrahim-Bey, qui avait osé se rapprocher d’El-Arisch, pour le secourir en protégeant le convoi destiné à cette place, avait été fort maltraité par la cavalerie de Murât et le régiment des dromadaires. Ses bagages avaient été enlevés avec le convoi, et ils contribuèrent aussi au ravitaillement de l’expédition.

Elle reprit sa marche à travers le désert, se dirigeant vers Gazah. La place fut enlevée sous les yeux de Djezzar, et l’on trouva, dans cette ville, quelques approvisionnemens. Sans s’y arrêter, on marcha sur Jaffa et on y arriva le 3 mars 1799. La ville était entourée d’une grosse muraille, flanquée de tours, comme au temps des croisades. L’on établit des batteries de brèche et on en ouvrit une suffisante. Le général en chef fit ensuite sommer le commandant de la place, qui, pour toute réponse, fit couper la tête du parlementaire. L’assaut fut ordonné, la place fut emportée et livrée à trente heures de massacres et de pillage. On trouva, dans cette place, une nombreuse artillerie turque, et des munitions, on y reçut celle que le contre-amiral Perrée amenait d’Alexandrie ; enfin les magasins destinés à l’armée turque de Syrie furent saisis.