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L’Arsenal lui-même, tel que Sully l’avait aménagé, avec ses grandes cours, ses boulingrins, ses jeux de paume et son mail, était autrement abordable que la vieille forteresse du moyen âge. Non loin de la place Royale, le Temple profilait, au-dessus des bâtimens du grand-prieuré, son haut donjon aux quatre tourelles accotées, autre reste d’une civilisation qui se mourait. Mais au pied de sa tour, le quartier, malgré la disposition fâcheuse du terrain, tentait de s’assainir par la création de nombreux hôtels entourés de beaux jardins.

Plus on se rapprochait du centre de Paris, plus les rues se rétrécissaient, plus les maisons de torchis, aux charpentes apparentes, aux pignons aigus, se serraient les unes contre les autres. En descendant vers l’Hôtel de Ville, c’était un nouveau dédale qui ne laissait guère de vide que l’étroite place de Grève. L’Hôtel de Ville lui-même, commencé vers le milieu du XVIe siècle, sur les plans de l’architecte italien Dominique de Cortone, modifiés par l’un des Chambiges, n’était achevé que depuis neuf ans. Il était encore dans l’éclat de sa fraîche nouveauté et il faisait contraste avec la confusion noire des bâtimens environnans.

Malgré les vicissitudes nombreuses qui, déjà, l’avaient frappée, cette maison était le centre de l’existence traditionnelle de la ville. De toute antiquité, Paris a été partagé entre sa double mission de commune autonome et de séjour du gouvernement. Son régime municipal n’a jamais été identique à celui des autres bonnes villes du royaume. Elle a toujours été l’objet d’une faveur particulière et d’une surveillance spéciale. Sous Henri IV, après les folies de la Ligue et le rôle joué par les Seize, Paris était suspect. On le tenait très serré, et il acceptait de bonne grâce cette étroite direction. Son prévôt des marchands, chef du « parlouër aux Bourgeois, » ses échevins, ses seize quarteniers, son conseil, étaient bien encore élus par le suffrage des habitans ; mais le roi avait toujours l’œil dans les élections et souvent la main dans l’urne. Il désignait lui-même les candidats et, le vote une fois émis, il félicitait son peuple « d’avoir bien voulu se conformer à sa royale et paternelle volonté. » En 1604, Henri IV avait fait nommer, sans autre forme de procès, un fonctionnaire royal, le lieutenant civil François Miron, à la charge de prévôt des marchands. Sous la régence, on lâchait un peu la bride, mais on n’en continuait pas moins à exercer une surveillance occulte sur l’administration municipale de Paris.

Le prévôt des marchands était donc le véritable maire de Paris : « Gérer le domaine de la ville, assurer l’approvisionnement, fixer le taux des denrées débarquées sur les ports, vérifier les poids et mesures, construire, réparer ou entretenir les remparts, portes,