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LE
CULTE DE JEANNE D'ARC

« Telle est la force de cette histoire, disait Michelet, telle sa tyrannie sur le cœur, sa puissance pour arracher les larmes ! Bien dite ou mal contée, que le lecteur soit jeune ou vieux, qu’il soit, tant qu’il voudra, affermi par l’expérience, endurci par la vie, elle le fera pleurer. Hommes, n’en rougissez pas et ne vous cachez pas d’être hommes. Ici, la cause est belle. » — « Que dire, s’écrie de son côté un jésuite, le révérend père Ayroles, de cette passion d’un an ou, si l’on veut, de six mois ; de cette ressemblance minutieuse avec le roi des martyrs, où l’on ne sait ce qu’il faut plus admirer de la force d’âme, de la piété, de la modestie, de la candeur ou de la surnaturelle prudence de la martyre ? Suave est l’aurore et le lever aux bords de la Meuse ; quel midi que celui des Tourelles, de Patay, de Reims ! Mais plus beau encore est le couchant à travers les barreaux de la prison de Rouen et sur la place du Vieux-Marché. » C’est la destinée de cette incomparable créature de s’imposer à la commune admiration des croyans et des incroyans. Quoi que vous pensiez, si vous avez un cœur d’homme, il y aura quelque chose entre elle et vous, et les étrangers eux-mêmes ont célébré les merveilles de sa vie. Il en fut ainsi de son vivant. Un clerc de la cour du pape Martin V, auteur d’un Abrégé de l’histoire du monde, ayant appris à Rome la délivrance d’Orléans, mettait Jeanne au-dessus de Débora, de Judith et d’Esther et déclarait