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sera-t-il accepté avec des garanties plus précises pour l’équilibre du budget ? L’impôt de quotité sera-t-il repoussé comme on le propose, et s’il est repoussé, la chambre des députés se résignera-t-elle à sa mésaventure ? Ce sont là les points essentiels, le reste se réduit à des détails. Ce qu’il y a d’apparent pour le moment, c’est que le sénat semble disposé à arrêter au passage le principe de la quotité de l’impôt ; mais ce qu’il y a de bien plus évident encore, c’est qu’on n’en serait pas à ces extrémités et à ces confusions, s’il y avait une direction, si le ministère, au lieu d’être sans cesse occupé à ménager les passions de parti, avait mis plus de prévoyance, de netteté et de décision dans le gouvernement des affaires de la France.

C’est un malheur, si l’on veut, mais un malheur auquel on finit par s’accoutumer puisqu’il dure depuis longtemps déjà. L’Europe ne connaît plus les longues sécurités, au moins ces sécurités invariables qui sont à l’abri des troubles et des menaces, qui sont le fruit d’une situation fortement coordonnée, universellement reconnue. Par ses goûts, par ses instincts, elle est assurément portée à la paix : elle ne cherche et n’appelle que la paix, ce bien suprême des peuples, cette garantie Souveraine des civilisations compliquées ; — par son organisation qui est l’œuvre de la force, par les fermentations, les ressentimens ou les ambitions qui la travaillent, par la multiplicité des intérêts qu’elle a en Orient comme dans l’Occident, par les armemens qu’on lui impose, elle se sent toujours menacée, toujours exposée à la guerre. C’est l’intime et éternel conflit qui ne peut produire que des trêves souvent interrompues par des incidens, même par des rumeurs inexpliquées. Pourquoi l’opinion, malgré ces vœux décidés pour la paix, reste-t-elle si impressionnable ? Pourquoi passe-t-elle si aisément tour à tour de l’apaisement à l’inquiétude ? On ne le sait pas toujours, on sent seulement que ni dans l’état général du monde, ni dans les alliances, ni dans l’ensemble des affaires du continent, il n’y a de garanties bien décisives. De temps à autre il court à travers l’Europe comme une vague et maladive impression d’incertitude renaissante. Cela ne dure pas, ou ne dure qu’un instant, — jusqu’à la prochaine occasion ! C’est ce qui est arrivé peut-être ces jours passés, sans qu’on puisse en saisir la cause précise, uniquement parce qu’il y a un certain nombre de questions engagées, qui se rattachent plus ou moins à une situation générale, — qui ne sont pas dans tous les cas plus graves aujourd’hui qu’hier.

Que s’est-il donc passé depuis quelques jours qui ait pu justifier ou raviver les craintes de prochains conflits ? D’où viendrait le danger, au moins un danger immédiat pour la paix de l’Europe ? Est-ce des Balkans ? Assurément ces malheureux petits états des Balkans sont un perpétuel foyer d’agitations. Depuis que le prince Milan, roi en disponibilité par son abdication, a cru devoir rentrer en scène et aller agiter