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enlevé à leurs troupes, au moins pour la campagne de 1799, les moyens de franchir le désert et de combiner une nouvelle attaque avec la seconde armée, dont on n’avait encore aucune nouvelle. Il était donc impossible qu’en ce moment une autre armée turque arrivât par ce chemin en Égypte pour donner son concours aux mécontens ou aux troupes qui devaient tenter un débarquement sur les côtes.

Le 14 juillet 1799, les grenadiers de la division quittèrent le Caire, sous prétexte d’accompagner le général en chef dans une visite qu’il voulait faire aux Pyramides. Le but réel de ce mouvement était de s’opposer aux tentatives de Mourad-Bey, qui avait été signalé comme cherchant à se rapprocher de la côte.

Nous couchâmes à Boulaq. Le lendemain nous étions, de bonne heure, aux Pyramides. Je montai sur la plus haute. Nous déjeunâmes à son sommet ; avant d’en descendre, j’y gravai mon nom avec ma baïonnette. J’étais alors sergent de grenadiers au 1er bataillon de la 32e. La grande Pyramide de Gizeh a plus de 400 pieds de hauteur.

Dans l’après-midi, un courrier, envoyé par le général Marmont, commandant à Alexandrie, apporta au général en chef la nouvelle qu’une flotte turque et anglaise venait de mouiller à Aboukir, et que cette flotte semblait avoir des troupes à bord.

Aussitôt, le général Bonaparte nous donna l’ordre de nous mettre en marche pour Ramanieh. Des ordres furent aussi expédiés à toutes les troupes disponibles, pour les y concentrer à marches forcées. Nous passâmes une partie de la nuit sur notre ancien champ de bataille d’Embabeh. Nous y fûmes rejoints par le reste de la division (4e légère, 18e et 32e demi-brigades de ligne). Nous séjournâmes à Ramanieh pour y attendre la division Lannes. Quand elle fut arrivée, nous fûmes coucher, par une marche forcée, à deux petites lieues du fort d’Aboukir.

Nous fîmes, ce jour-là, quatorze lieues et subîmes les mêmes privations que nous avions éprouvées un an auparavant sur ce même terrain. Vers le soir, nous trouvâmes deux citernes, on s’y battait pour boire. On fit halte, je m’endormis ; on partit sans me réveiller. Il paraît que je dormais bien profondément, car je n’entendis rien.

À mon réveil, il faisait une nuit profonde, j’appelai en vain mes camarades, il n’y avait plus personne auprès de moi. L’obscurité ne me permettait pas d’étudier, sur le sable, la trace des pas de la demi-brigade ; j’essayai de la suivre en tâtant, mais je ne pus y réussir. Je pensais que mes camarades devaient être dans cette plaine basse qui forme la presqu’île d’Aboukir, mais ils n’avaient pas de feux. En les cherchant, je m’égarai de plus en plus. Il s’en