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L’armée livra bataille aux Anglais entre Aboukir et Alexandrie, à Canope, le 21 mars 1801. Elle attaqua, avant le jour, les retranchemens que les Anglais avaient eu le temps d’élever ; son effectif ne dépassait pas 9,000 hommes et elle avait devant elle 20,000 ennemis.

Nous enfonçâmes la première ligne de l’armée anglaise. La brigade du général Rampon, composée de la 32e et du régiment des dromadaires, pénétra jusqu’à la deuxième ligne, mais par une sorte de fatalité, ou par une cause qui n’a jamais été bien connue, et que l’on supposa alors être la jalousie et la rivalité des généraux, la seconde ligne française resta dans l’inaction et laissa écraser la première. On ne comprend pas comment, sur un champ de bataille aussi peu étendu que la presqu’île d’Aboukir, le général Menou ne s’aperçut pas que la division du général Reynier n’agissait pas, ou que, si elle n’exécutait pas ses ordres, il n’ait pas été, en personne, la mettre en mouvement.

Après avoir eu près de 1,400 hommes mis hors de combat, l’armée se retira sans être poursuivie ; une partie s’enferma dans Alexandrie, l’autre se retira vers le Caire. La perte éprouvée par les Anglais, depuis le débarquement, était presque égale à la nôtre, mais elle était déjà compensée par les renforts qu’ils recevaient.

On savait bien que depuis la mort de Kléber la discorde régnait parmi nos généraux. Plusieurs et particulièrement le général Damas, ancien chef d’état-major, et le général Reynier déblatéraient sans cesse contre le général Menou. Celui-ci avait enlevé au général Damas ses fonctions de chef d’état-major pour les confier au général Lagrange. Après la bataille de Canope, le général Menou mit en accusation ces deux généraux, les fit arrêter sous prétexte de refus d’obéissance, et les envoya en France par un navire neutre. Nous fûmes très étonnés d’apprendre plus tard qu’à son arrivée le général Reynier avait reçu, par ordre du premier consul Bonaparte, un commandement de son grade. Les généraux Lanusse et Roize avaient été tués, les généraux Destaing, Silly, Baudot, grièvement blessés. Les Anglais paraissaient disposés à agir avec prudence et à nous montrer une extrême circonspection. Ils connaissaient la valeur de nos soldats et voulaient ménager les leurs, en attendant l’arrivée de leurs cipayes et des Turcs leurs alliés.

Peu de jours après la perte de la bataille de Canope, la peste se manifesta en Égypte et envahit promptement le Caire, où elle fit des ravages épouvantables. Les corps qui s’y trouvaient perdirent plus de monde que ceux qui avaient combattu. La population civile perdit 80,000 personnes en quarante jours. Il y eut aussi quelques pestiférés à Alexandrie et à Damiette, mais en petit nombre.

Les Anglais et les Turcs, appuyés d’un grand nombre de