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peut-être arrivé à combler. L’heureuse intervention d’un député home ruler, le populaire M. Michael Davitt, a mis fin à une lutte qui durait depuis un mois. L’accord s’est établi sur les bases suivantes : 1° le repas des hommes aura lieu de midi à une heure ; tout travail commandé pendant ce laps de temps bénéficiera de l’heure de paie supplémentaire ; 2° la durée obligatoire du travail de nuit sera de neuf heures ; les heures facultatives seront rétribuées conformément aux règlemens ordinaires de l’association patronale ; 3° unionistes et non-unionistes s’engagent à ne pas troubler l’ordre et à travailler paisiblement de concert ; 4° les patrons offrent de substituer à l’ancien mode d’embauchage à la journée le procédé du contrat à la semaine, avec notification réciproque de rupture sept jours à l’avance. Les hommes qui souscriront à cette proposition auront à verser une semaine de gages à titre de dépôt, en vue de garantir les patrons contre tout arrêt du travail qui n’aurait pas été signifié dans les délais obligatoires. Le dépôt sera prélevé, par petites sommes, sur les salaires hebdomadaires ; il ne sera exigible que lorsque les effets de la grève auront notoirement cessé ; 5° les grévistes entreront dans les chantiers, au fur et à mesure des besoins du commerce ; ils ne porteront pas, en travaillant, les insignes de l’Union. Ils promettent de ne pas mettre en quarantaine les navires de Liverpool dans les ports où éclaterait un conflit auquel les armateurs et les ouvriers de la Mersey seraient étrangers.

On remarquera que les hommes ont gain de cause en ce qui concerne le règlement de deux points importans : les heures de repas et le travail de nuit. A vrai dire, l’association patronale n’a jamais songé à résister à cet égard, bien qu’elle se soit attachée, pendant la grève, à tenir ces questions en réserve pour ne les abandonner qu’en échange de concessions importantes. D’autre part, les patrons obtiennent la consécration d’un droit qu’ils ont toujours revendiqué, celui de recruter leur monde en dehors de l’Union, s’ils le jugeaient à propos. Ce qui est intéressant, ce qui constitue à Liverpool une heureuse innovation, c’est la méthode adoptée pour l’engagement des ouvriers. Au lieu d’un personnel à la journée, insaisissable en quelque sorte, disparaissant et se renouvelant sans cesse, les chefs de maison auront désormais à leur service un véritable corps constitué, travaillant à la semaine avec plus de suite et de régularité. En fixant à sept jours le délai obligatoire de notification de départ, on diminue considérablement les chances de grève, on laisse aux hommes le temps moral de la réflexion, on les garantit contre leurs propres entraînemens. Il n’est pas jusqu’à leur situation sociale qui ne s’en trouve relevée. Sans doute, les