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abandonnant pour une cour inconnue la chère retraite pour laquelle, jusque-là, il avait tout sacrifié, a été expliquée, avec grande vraisemblance, par le désir d’intéresser la reine de Suède à la famille de sa jeune amie. Élisabeth, au moment où Descartes promit sa visite à Stockholm, devait elle-même s’y rendre. Le crédit d’un tel médiateur devait rendre sa tâche plus facile.

Élisabeth, dans une lettre publiée pour la première fois par M. Foucher de Careil, fait allusion à ce projet.

« On parle du voyage que vous avez proposé autrefois, et la mère de la personne à qui votre ami a donné vos lettres a reçu ordre de le faire réussir sans qu’on sache en son pays que cela vient de plus loin que son propre mouvement. On a mal choisi la bonne femme pour ménager un secret, elle qui n’en eut jamais ; toutefois, elle fait le reste de sa commission avec beaucoup de passion et voudrait qu’un tiers y volât, ce qu’il n’est point en dessein de faire, mais il l’a remis à la volonté de ses parens, qui sera sans doute pour le voyage ; et, s’ils envoient l’argent qui y est nécessaire, il est résolu de l’entreprendre, puisqu’on cette conjoncture il aura moyen peut-être d’y rendre service à ceux à qui il le doit, et qu’il pourra retourner avec la bonne femme susmentionnée, qui ne prétend pas d’y demeurer non plus. »

Ce tiers, qui demande l’autorisation de ses parens et se ménage, pour le retour, la protection d’une bonne femme, est certainement la princesse elle-même.

Elle ajoute, se mettant alors en scène sans déguisement :

« J’ay reçu, passé trois semaines, une lettre fort obligeante du lieu en question, pleine de bonté, de protestations d’amitié, mais qui ne fait nulle mention de vos lettres, ni de ce qui a été dit cy-dessus ; aussi on ne l’a mandé à la bonne femme que de bouche, par un extrait. »

Élisabeth, dans la lettre suivante, écrit :

« Je crois que vous aurez reçu la lettre où on vous parle d’un autre voyage qui se devait faire si les amis l’approuvaient, le croyant pour leur service en cette conjoncture, et depuis ils l’ont demandé en fournissant les dépenses qu’il y fallait. Néantmoins, ceux qui sont où cela se doit commencer, ont empêché de jour en jour les apprests qui y estoient nécessaires, émeus à cela par des raisons si foibles, qu’eux-mêmes ne les oseraient avouer. Cependant on donne à cette heure si peu de temps pour cela, que la personne en question ne pourra point estre prête. Et, d’un côté, elle aura mauvais gré d’avoir manqué de parole ; de l’autre, les amis croiront qu’elle n’avait pas la volonté ou le courage de sacrifier sa santé et son repos pour l’intérêt d’une maison pour laquelle