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doute, elles n’étaient pas beaucoup plus sérieuses que celles qu’il reconnaissait naguère, avec plus de gloire que d’humilité, dans le mémoire destiné à la reine mère, l’amour du grand, de la dépense, de la magnificence, quand il lançait d’un trait dédaigneux cette orgueilleuse boutade : « Il faut pouvoir un peu se distinguer des autres hommes. Mettre de l’argent à profit, entasser inutilement des sommes dans des coffres, ce seroit pour moi une condition assez misérable. » Quoi qu’on puisse penser de cette confession plus ou moins explicite, Foucquet a dit plus tard, dans ses « défenses, » que l’attitude et les observations du confesseur furent bienveillantes et rassurantes, que ses paroles furent nettes, précises, « nobles et dignes d’un grand roy. »

Depuis quelques années, la vie de Foucquet n’était qu’une alternative de découragement et de confiance ; mais toujours la confiance reprenait le dessus. N’était-ce pas dans l’ordre ? Voici que le roi l’employait à d’autres soins que ceux des finances, à des négociations d’un caractère tout à fait politique avec la Suède, avec la Pologne, avec l’Angleterre. L’épreuve n’était-elle pas d’un bon augure ? Ne pourrait-ce pas être qu’il fût, au gré d’un roi de vingt-trois ans, un futur premier ministre à l’essai ? En même temps pourquoi ne serait-il pas chancelier ? Séguier était vieux : il était lui, à quarante-cinq ans, dans la force de l’âge. Quò non ascendant ?

À la fin d’avril, la cour vint s’installer à Fontainebleau ; Foucquet l’y suivit à quelques jours de distance. Il eut, pour commencer, deux dégoûts à subir : le gouvernement de Touraine que convoitait son frère Gilles, gendre du feu marquis d’Aumont, dernier gouverneur, passa au duc de Saint-Aignan, et Colbert fut nommé contrôleur-général. Ceci était grave. De tous côtés arrivaient au surintendant des avis mystérieux, presque tous menaçans. Sans trop s’en émouvoir, il mit en campagne sa police féminine. Une de ses amies utiles était une fille d’honneur d’Anne d’Autriche, Mlle de Menneville ; à Paris, il la voyait secrètement dans son hôtel de la rue Croix-des-Petits-Champs ; à Fontainebleau, c’était chez une femme Laloy, marchande à la toilette, disons le mot, entremetteuse, qui avait obtenu l’autorisation d’occuper, sur le grand canal, un petit logis délabré, dépendant du domaine. Mlle de Menneville n’était pas la seule informatrice du surintendant ayant service à la cour ; il y avait aussi Mlle du Fouilloux qui passait pour n’être pas mal vue du roi.

Malheureusement pour Foucquet, s’il avait en sa faveur une intelligente et séduisante cabale, il s’en était formé contre lui une autre d’autant plus redoutable qu’elle était menée par une des