Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auparavant son manger. « Il oublie de parler des bougies, mais quelques jours plus tard, recevant les comptes « de la subsistance de son Altesse Royale, » qui montaient pour quatre semaines, y compris le blanchissage, le logement et la nourriture en ville du laquais, et les verrous mis à la porte, à 32 thaler 3 groschen et 3 pfennig, il les approuva et les régla, mais ordonna qu’à l’avenir les bougies fussent remplacées par des chandelles.

Ce redoublement de rigueurs inquiéta le prince. « Il me semble, dit-il un jour aux deux capitaines de service, que je suis encore plus sévèrement gardé. « Il voulut revoir des visages, parler et entendre parler. Le tour de la communion n’ayant pas réussi, il demanda à être entendu de nouveau par la commission. Le roi, après avoir hésité quelques jours, renvoya les commissaires à Cüstrin, mais il chargea Grumbkow de dire au prince des duretés : « Si ce coquin demande des nouvelles de moi, de ma femme, de mes enfans, vous lui direz que personne ne pense plus à lui, que ma femme ne veut plus entendre parler de lui, que Wilhelmine est encoffrée à Berlin et sera bientôt envoyée à la campagne… »

Les instructeurs virent tout de suite que le prince n’avait rien à leur dire. Comme il avait commencé par rappeler que, d’après le dernier interrogatoire, le choix lui était laissé entre la renonciation à la couronne et la mort ou la prison perpétuelle, ils lui firent observer que, de prison perpétuelle, il n’avait pas été question. « Alors, répliqua-t-il, toutes mes réflexions n’ont plus de raison d’être. Une longue prison me paraissait une chose intolérable. Si je dois perdre la vie, je prie qu’on me le donne à entendre en temps utile. Quant à la renonciation, si je croyais recouvrer par là les bonnes grâces du roi, je me soumettrais à sa volonté. Je puis assurer aussi que le roi fera de moi ce qu’il voudra, comme il voudra ; je ne l’en aimerai pas moins. Le respect et l’amour pour lui demeureront toujours dans mon cœur. » Évidemment, il voulait se faire rassurer. Les commissaires lui ayant donné de bonnes paroles, il se crut déjà hors d’affaire, et leur confia deux désirs qu’il avait : « Je prends la liberté de prier Sa Majesté de me faire porter de nouveau mon habit uniforme et de me permettre de lire des livres bons et utiles. » Puis, Grumbkow ayant fait la cruelle commission du roi : « Si la reine aussi, dit-il, a détourné de moi sa grâce, je prie le roi de faire que la grâce et l’amour de ma mère me soient rendus. »

Le prisonnier s’était donc donné le plaisir d’une conversation ; il avait trouvé, par la même occasion, le moyen de flatter son père au point le plus sensible, en redemandant cet uniforme que, naguère encore, il appelait mon « suaire. » Il espérait le toucher par la promesse d’une soumission, qui serait allée jusqu’à la