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il n’aura plus d’excuse. Qu’il y pense bien. Qu’il contraigne et change son mauvais cœur par l’assistance divine ; car il s’agit d’une chose importante et grave.

« Que Dieu le Très Haut donne sa bénédiction ! Et, comme souvent, par des conduites merveilleuses, des chemins miraculeux, des pas amers, il conduit les hommes dans le royaume du Christ, qu’il ramène à sa communion ce fils inconsidéré ! qu’il prosterne son cœur impie ! qu’il l’amollisse et le change ! qu’il l’arrache des grilles de Satan ! qu’ainsi le veuille le tout-puissant Dieu et Père, en considération de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de ses souffrances et de sa mort… Amen… »

Cette fois c’était bien la grâce, enveloppée dans un prêche véhément. Dès qu’il eut reçu la lettre, Müller se rendit chez le prince. Il le trouva lisant la Bible et plongé dans les profondeurs d’une méditation. Frédéric ne vit point sans doute sur la mine de Müller que celui-ci avait du nouveau à lui dire ; autrement, il n’aurait pas commencé par faire au révérend un discours sur les mérites de notre Sauveur et la dette qu’à cause de sa mort nous avons contractée envers lui. Müller le laissa dire ; il prit même occasion de cette effusion de piété, pour le presser de confirmer ses promesses d’amendement par un serment qui enlèverait au roi toute méfiance et mauvaise volonté. Le prince ne voyait pas où il en voulait venir, ni comment le roi lui rendrait sa grâce contre un serment. Le pasteur s’ouvrit enfin, et parla, cette fois, au nom du roi, comme il en avait l’ordre, a Est-ce possible ? » s’écria le prince, dont les yeux se remplirent de larmes. Müller tira la lettre de sa poche et la lui mit dans les mains. Frédéric la lut, et vit enfin qu’il était sauvé.

Il commença par exprimer sa reconnaissance envers son père ; puis il expliqua qu’il savait très bien ce que c’était qu’un serment, qu’il n’y fallait pas faire de réserve mentale, qu’il fallait, au contraire, le prêter dans le sens et esprit de celui qui l’avait prescrit. Certainement, il jurerait à haute et intelligible voix. Pour prouver qu’il prenait la chose au sérieux et voulait s’engager à fond, il exprima l’espérance que le roi ne prescrirait par la formule rien qui ne fût « paternel et acceptable ; » il priait sa majesté de lui communiquer à l’avance ladite formule « afin qu’il ne précipitât rien, et pût se préparer en conscience, avec une suffisante réflexion, à bien prononcer et bien observer tous les points du serment. » Le bon Müller transmit cette prière au roi et la lui recommanda.

Il ne restait plus qu’à régler les formalités dernières de la mise en liberté du prince royal. Le roi les concerta avec Seckendort et