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Peña, retiré de la politique depuis longtemps, avait un des premiers apporté à l’Union civique le concours de son expérience et l’autorité de son nom. Son fils, le docteur don Roque Saenz Peña, était à ce moment ministre du docteur Juarez : après avoir occupé avec distinction divers postes diplomatiques et s’être fait remarquer à la conférence de Washington par son éloquence et sa fermeté[1], il avait pour son malheur pris possession, depuis peu de jours, du portefeuille des affaires étrangères, dont on l’avait investi à Washington par dépêche lors de la formation du ministère Uriburu. Il donna sa démission deux jours après la fin des hostilités.

Les négociations de la commission officieuse de la pacification durèrent trois jours et aboutirent, le 30 juillet, à la signature de la convention suivante :


Il ne sera intenté aucune poursuite contre ceux, militaires ou civils, qui ont pris part au mouvement révolutionnaire. Les corps de ligne qui se sont joints à la révolution seront conduits à leurs casernes par leurs chefs et officiers et sont, dès ce moment, aux ordres du gouvernement. Les officiers et marins de l’escadre sont, aux effets de cette convention, dans les mêmes conditions que les troupes de terre ; le chef de chaque bâtiment en fera la remise à la personne que désignera le gouvernement. Les citoyens armés déposeront leurs armes au parc et se dissoudront pacifiquement. Les élèves des instituts militaires rentreront dans leurs écoles respectives.


On mettait bas les armes, pourquoi ? Quelles raisons fit-on valoir auprès de la junta révolutionnaire ? Quels engagemens furent pris avec elle à l’insu du président, qui, n’ayant rien compris à l’explosion de l’émeute, continua de ne rien comprendre au dénoûment ? C’est une question qui ne sera sans doute éclaircie que dans un certain nombre d’années, quand les événemens seront refroidis. Il nous manque les confidences des principaux acteurs de ce drame dont les scènes principales ont tout l’air de s’être déroulées dans la coulisse. Qu’il y ait eu entente par-dessus la

  1. Un discours du docteur don Roque Saenz Peña, à la conférence de Washington, y fit échouer la politique économique de M. Blaine, qui ne tendait à rien moins qu’à fermer les marchés de l’Amérique du Sud au commerce européen, au profit de la production manufacturière des États-Unis. Le fameux principe : l’Amérique aux Américains, invoqué par M. Blaine, aurait dû recevoir dans ce cas une légère addition. Il fallait dire : aux Américains… du Nord. Après avoir fait ressortir avec force les liens de solidarité politique, intellectuelle et économique qui relient son pays à l’Europe, M. Saenz Peña donnait en finissant cette jolie formule : ce principe n’est pas le nôtre, notre principe est : l’Amérique à l’humanité. Son attitude et celle de son collègue argentin, le docteur don Manuel Quintana, décidèrent de celle de tout le groupe latin et engagent, on peut le dire, la gratitude de l’Europe.