Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/774

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plénipotentiaire de la conférence de Bréda, qu’on fit revenir de Hollande en toute hâte. Il est probable qu’il s’attendait à cette faveur, ayant de longue date, avec les frères Paris, des relations qu’il n’avait eu garde de laisser tomber pendant son ingrate mission. Le blâme, très librement exprimé dans ses dépêches, sur les travers diplomatiques de d’Argenson ne fut sans doute pas la moindre recommandation qui plaida en sa faveur auprès des collègues du ministre disgracié, mais la raison officiellement donnée fut que, venant de remplir un rôle actif sur le théâtre même des négociations engagées, il devait connaître mieux que personne à quelles conditions pouvait s’opérer le rétablissement de cette paix, qui était le désir général.

C’était bien, en effet, on peut se rappeler, en représentant d’Argenson comme le véritable obstacle à la fin d’une guerre qui fatiguait tout le monde qu’on était parvenu à ruiner son crédit dans l’esprit du roi, et à exciter contre lui un véritable soulèvement de l’opinion. A quel titre il méritait ce reproche, c’est ce qu’auraient été assez embarrassés de dire ceux qui le lui faisaient le plus haut, et ils eussent été plus en peine encore de s’accorder sur les motifs qu’ils donnaient de leur accusation ; car c’était tour à tour, je l’ai déjà dit, de l’obstination de ses préjugés et de la trop grande complaisance de son caractère que les uns ou les autres lui faisaient un crime. En tout cas, le tort qu’on ne pouvait lui imputer, ce n’était assurément pas de s’être montré trop exigeant dans ses offres pacifiques, d’élever trop haut les prétentions de la France, de réclamer une indemnité trop large de ses sacrifices, et de tâcher de tirer un trop haut prix des victoires de Maurice de Saxe et de la possession des Pays-Bas.

On sait, en effet, quel était le plan de pacification rédigé par d’Argenson lui-même, le printemps précédent, de concert avec les plénipotentiaires de Hollande, et que Puisieulx avait été chargé de proposer comme base de négociation à la conférence de Bréda. La France, du premier mot, faisait l’abandon de toutes ses conquêtes : elle réclamait seulement de l’Angleterre une renonciation pareille pour Louisbourg, le cap Breton et tous les points occupés par la marine britannique sur les côtes de l’Amérique septentrionale. Ainsi, pleinement désintéressée pour elle-même, elle ne prenait les intérêts que des alliés qu’elle avait entraînés à sa suite dans la guerre. Pour l’électeur palatin, en récompense de sa fidélité, elle voulait obtenir l’annexion de la province de Limbourg à son petit état ; pour le duc de Modène, époux d’une princesse française, la restauration de la souveraineté dont il était dépouillé ; enfin, au profit du troisième fils de Philippe VI, l’établissement d’une