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En ce temps-là, Foucquet n’était pas encore brouillé avec l’abbé son frère ; aussi, lui étant arrêté, serait-ce les instructions de l’abbé qu’il faudrait suivre. Si l’abbé se trouvait prisonnier lui-même, il faudrait patienter deux ou trois mois, et pendant ce temps prendre le mot chez Mme du Plessis-Bellière, laquelle, étant le chef de la défense, s’entendrait d’abord avec les gouverneurs de Calais, d’Amiens, de Hesdin, d’Arras, puis en seconde ligne avec des hommes tels que MM. de Créqui, de Feuquières, Fabert, d’Estrades. On aviserait à tenir des gens sûrs dans Ham, Concarneau, Tombelaine, à l’Ile-Dieu. On emploierait les jésuites ; on prendrait les conseils de MM. de La Rochefoucauld, de Marsillac, Bournonville, Brancas, Langlade, Gourville. Du côté du parlement, on s’assurerait de M. de Harlay et de M. de Maupeou. Là s’arrêtait brusquement le projet de 1657.

A la fin de l’année suivante, l’attitude de Mazarin étant redevenue suspecte, Foucquet reprit, révisa, et compléta son projet de défense. De l’abbé Basile, « plus à craindre qu’un autre, » il faut se garder à tout prix. Beaucoup des gouverneurs ou commandans de places, ci-dessus indiqués, étant changés ou morts, il n’en faut plus faire état. A ceux qui restent, on peut adjoindre des marins, comme le commandeur de Neuf-Chaise, vice-amiral, et Guinant. — Foucquet avait des vaisseaux à lui qui faisaient le commerce d’Amérique. — Si, ne se bornant pas à tenir le surintendant en prison, le cardinal voulait lui faire son procès, dans ce cas grave, les gouverneurs des places arrêteraient la levée des impôts et publieraient un manifeste contre l’oppression et la violence du gouvernement. De son côté Guinant, avec ses vaisseaux, enlèverait tous ceux qu’il rencontrerait entre Rouen et Le Havre. « Il est impossible, était-il dit en façon de conclure, les choses étant bien conduites, se joignant à tous les malcontens par d’autres intérêts, que l’on ne fît une affaire assez forte pour tenir les choses longtemps en balance et en venir à une bonne composition, d’autant plus qu’on ne demanderoit que la liberté d’un homme qui donneroit des cautions de ne faire aucun mal. »

Tel est, dans ses traits principaux, ce fameux plan de défense. A première vue, c’est le rêve d’un cerveau malade ; à y regarder de plus près, c’est une erreur d’anachronisme. Sous la régence de Marie de Médicis, sous le règne même de Richelieu, pendant la Fronde, on avait toujours vu les opposans, les malcontens donner le signal des crises en quittant, les uns brusquement, les autres furtivement Paris et la cour, se retirer dans leurs gouvernemens ou dans leurs provinces, faire des levées d’hommes et d’argent, arrêter les deniers royaux, en un mot se mettre en révolte, tout en