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plus considérables de notre globe sous forme soit de chaînes, soit d’énormes plateaux, tels que celui de Pamir. C’est par ce dernier que nous commencerons la revue de l’enceinte extérieure du Gobi, en choisissant pour guide l’excellent travail du docteur Wilhelm Geiger[1].

Le Pamir, qui, par ses ramifications, représente la limite occidentale du Gobi, touche de près à la région de Kachgar, vers laquelle s’étendent les contreforts sud-est de la chaîne du Kizil-Yart. Ce n’est que récemment que les explorateurs russes non-seulement ont fait évanouir l’hypothèse de Humboldt d’après laquelle une longue chaîne méridienne rattacherait sous le nom de Bolor le Pamir au Thian-chan et au Kouen-Inen, mais encore l’existence même du nom de Bolor, désignant une chaîne méridienne quelconque.

Quant au nom de Pamir ou Pamer, ce n’est point le nom propre d’une localité particulière ; mais, comme le fait voir M. Geiger, il signifie « contrée à vents glacés, » condamnée à la solitude et à la mort.

On peut évaluer, dans un sens restreint, la longueur du grand renflement du Pamir, du nord au sud, en chiffres ronds, à 300 kilomètres, depuis la crête des montagnes du Trans-Altaï jusqu’à celle du Hindou-Kouch. Son extension, de l’est à l’ouest, aurait environ 500 kilomètres ; enfin, la superficie du plateau de Pamir serait de 100,000 kilomètres carrés et son altitude moyenne de 4,000 à 4,500 mètres.

Qu’on se figure une surface ayant le tiers de celle de l’Italie portée à la hauteur de la Jungfrau (4,167 mètres), l’un des pics les plus élevés de la Suisse ! phénomène prodigieux du renflement de l’écorce terrestre, qui ne se présente nulle part ailleurs sur notre globe.

  1. M. Geiger a publié un ouvrage intitulé das Pamir-Gebirge, eine geographische Monographie. Dans ce travail, vrai modèle d’érudition et de sagacité scientifique, le savant allemand a réuni et discuté avec soin tout ce qui a été publié sur le Pamir. L’ouvrage est accompagné d’une carte fort instructive. La longue liste de voyageurs cités par M. Geiger prouve que les explorateurs n’ont pas fait défaut au Pamir, d’où l’on serait tenté de conclure que ce plateau est désormais l’un des points les plus connus du monde. Malheureusement, les conditions physiques où il se trouve placé en rendent l’étude plus difficile que partout ailleurs. Sans doute, la connaissance définitive du Pamir sera l’œuvre des savans russes, qui se trouvent plus à la portée que ceux des autres pays. Dans tous les cas, il s’agit d’une œuvre exclusivement scientifique, le Pamir n’ayant absolument aucune importance politique pour la Russie ; car certes ce n’est pas par ce plateau glacé que les Chinois ou les Anglais viendraient jamais l’attaquer, de même qu’à la Russie le Pamir ne peut servir de point de départ pour une expédition militaire quelconque.