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militaire. Gresham, populaire dans le parti, avait contre lui l’implacable hostilité de Jay Gould, le grand capitaliste, et de ses adhérens, bien décidés à faire échouer sa candidature, dût-il leur en coûter des millions. Et ce n’était pas une vaine menace ; d’entrée de jeu ils en souscrivaient cinq pour ouvrir la campagne contre lui[1]. Allison et Mc Kinley avaient peu de chances, Alger lui agréait peu ; Harrison apparaissait comme l’homme providentiel.

Né à North-Bend, dans l’état de l’Ohio, le 20 août 1833, il avait alors cinquante-cinq ans. Colonel des volontaires de l’Indiana, puis brigadier-général pendant la guerre de sécession, petit-fils de William Henry Harrison, neuvième président des États-Unis, il traçait haut sa généalogie qui le faisait descendre d’une vieille famille anglaise inféodée au parti de Cromwell, émigrée en Virginie, et dont l’un des représentans, Benjamin Harrison, père de celui qui fut président, avait signé la déclaration d’indépendance. Son nom était illustre, associé aux grands événemens de la république. L’homme le portait dignement, froid d’allures, taciturne et concentré, de vie irréprochable, presbytérien sincère. À travers plusieurs générations les traits caractéristiques de l’ancêtre, soldat du protecteur, persistaient : les convictions arrêtées et les idées étroites, la raideur du puritain, l’obstination du sectaire qui tient plus compte, en politique, des principes que des faits. Il représentait son parti en ce que ce parti avait de plus autoritaire et de plus absolu : le maintien, à tout prix, sans concession, du régime commercial et financier auquel les États-Unis étaient redevables du relèvement de leurs finances et de leur prospérité industrielle. En lui s’incarnait nettement la politique protectionniste opposée à celle de l’abaissement des droits que préconisait le parti démocratique ; sur lui s’émoussaient les attaques que les démocrates dirigeaient contre l’alliance des républicains et des grands capitalistes, dont ils signalaient aux masses ouvrières l’influence croissante, dénonçant leur dangereuse intrusion dans la lutte électorale.

On ne la pouvait nier, et elle devait être décisive. Outre Jay Gould et son groupe, les plus puissans financiers des États-Unis se ralliaient au parti républicain, lui apportant l’appui de leurs millions. Ils avaient foi en Blaine, connaissaient et approuvaient ses plans et le tenaient pour le représentant et le défenseur de leurs intérêts. Leurs opinions étaient les convictions de Benjamin Harrison, que son honorabilité bien connue, sa vie de famille simple et modeste à Indianopolis, capitale de l’Indiana, entre Mrs Harrison, Mrs Mac Kee, sa fille, et sa belle-fille, Mrs Russel Harrison,

  1. Voyez le New-York Herald du 25 juin 1888.