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REVUE MUSICALE

M. EDWARD GRIEG

Vous avez remarqué sans doute, au Salon de ces dernières années, les tableaux Scandinaves de M. Noormann. Les plus beaux représentent presque toujours un golfe solitaire, aux eaux très pures et qu’on devine très froides ; tout autour, de gigantesques murailles de rochers dressent leurs parois à pic ; sur une bande étroite et comme sur un ourlet de sable ou de gazon, on aperçoit un chalet, dont la toiture de tuiles rouges et vernissées luit au soleil. C’est dans un de ces fiords de Norvège, à Bergen, que M. Edward Grieg est né, en 1843. Sa mère, excellente musicienne, fut son premier maître. A neuf ans, il portait à l’école, au lieu de ses livres classiques, sa première œuvre ; des variations sur un thème allemand, qui lui valurent, de la part du magister, tout autre chose que des complimens. Le goût musical de l’enfant s’accentuait si vite, que ses parens (voilà des parens singuliers ! ) ne le contrarièrent pas. Un jour, le célèbre violoniste Ole Bull, passant par Bergen, fut l’hôte de la famille Grieg, et tandis qu’il travaillait des heures entières, enfermé dans sa chambre, le petit garçon l’écoutait avidement, l’oreille collée au trou de la serrure. Ole Bull voulut entendre son précoce admirateur ; il l’encouragea et conseilla aux parens de l’envoyer à Leipzig.

Leipzig après Bergen ! Après le golfe bleu pâle et la lumière boréale, la noire ville allemande ! Après les leçons maternelles et surtout les leçons naturelles que donnaient la montagne et les flots à cette imagination tout instinctive et spontanée, l’enseignement technique, étroit, avec défense de lire Schumann et Chopin ! Désorienté, mis à la gêne, l’enfant commença par tomber malade. Une fois rétabli, il se remit