Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/922

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

science dont, — M. Ad. Wagner et d’autres l’ont avoué, — ils ne peuvent pas se passer. La jeune école d’économistes allemands a fait des prosélytes en Italie, en Angleterre et ailleurs ; nous avons pris connaissance des livres qui ont été publiés dans ces pays, et nous n’avons pu en tirer que peu de profit, comme on le verra par la suite[1].


I

En parcourant les ouvrages d’économie politique qui ont paru depuis un quart de siècle ; on y découvre, nous l’avons fait pressentir, peu de vérités nouvelles ; ce qui distingue donc l’école de la Socialpolitik de l’école fondée par Adam Smith et J. -B. Say, ce sont moins les doctrines que leur esprit et leurs tendances. Le mot tendances ne s’applique pas à l’école d’Adam Smith, elle n’en a jamais eu, elle expose les lois de la production des richesses, celles de leur circulation, de leur répartition et de leur consommation, sans autre préoccupation que celle de la vérité. Elle n’est sans doute pas infaillible, elle le sait, et ne cesse de consulter les faits pour redresser les erreurs dans lesquelles, elle peut tomber ; en un mot, elle cultive une science, et elle ne fait que cela. La nouvelle école ne méprise pas la vérité, sans doute, mais la vérité est le fait, c’est un point secondaire, c’est terre à terre ; elle ne se contente pas de savoir, elle veut encore réformer. Elle a un idéal, elle en a même plusieurs : elle veut que l’économie politique soit « éthique » ou morale[2], qu’elle favorise les classes inférieures, qu’elle se spécialise par pays, et qu’elle tienne compte des particularités individuelles. Ce sont là les tendances de la nouvelle école. On voit que l’école de la Socialpolitik est pleine de bonnes intentions, et comme nous savons où vont les bonnes intentions, nous nous en méfions un peu.

En effet, que peut signifier cette proposition que nous reproduisons textuellement : « La nouvelle école veut que l’économie politique soit éthique ? » Veut-elle aussi que la chimie soit grande et la physique petite, l’astronomie large et l’histoire naturelle étroite, ou préfère-t-elle d’autres adjectifs pour ces sciences ? Une science n’est ni morale, ni immorale, car elle se borne à formuler des vérités, ou ce qu’elle croit être des vérités ; elle est d’ailleurs

  1. Nous en donnons des preuves plus amples dans l’ouvrage sur les Progrès de la science économique qui paraîtra à la librairie Guillaumin.
  2. La nouvelle école a remplacé le mot moral par le mot éthique, serait-ce parce qu’il est plus vague ?