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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.

Que faut-il croire, que faut-il augurer des affaires du temps, et avant tout de nos affaires de France ? A première vue, tout est tellement brouillé, enchevêtré et confondu, qu’on a quelque peine à démêler la vérité, à suivre ce mouvement troublé où la plus sérieuse difficulté semble toujours être de voir devant soi et de savoir se conduire. Non, vraiment, ce n’est pas la clarté qui est, pour le moment, dans les affaires du monde, pas plus que dans les affaires françaises. Il y a plutôt, au contraire, quelque chose de noué et d’inextricable dans notre vie publique. L’esprit de parti est tellement envahissant et a pris un tel empire qu’il obscurcit les faits les plus simples et intercepte les vœux du pays manifestés aux élections dernières. Depuis six mois, on n’a pu réussir encore à dégager une politique, une direction, une majorité d’une situation qui n’avait pourtant rien d’équivoque, où avaient éclaté pour ainsi dire spontanément, en dépit de toutes les pressions, les sentimens d’un peuple paisible et laborieux. Nos pouvoirs publics, chargés de l’administration de nos destinées, se sont séparés sans avoir rien fait, en attendant une prochaine rentrée parlementaire qui ne sera peut-être pas plus fructueuse. C’est la règle, c’est le congé de Pâques ! Et pendant ce temps, pendant que nos assemblées jouissent de leurs derniers jours de vacances, pendant que M. le président de la république vient de profiter d’un printemps douteux pour visiter les bords de la Méditerranée, les choses marchent d’elles-mêmes ; les incidens se pressent dans l’intervalle. Paris votait hier à tâtons pour le renouvellement de son conseil municipal ; on se prépare à manifester demain pour la gloire du socialisme universel. Les choses marchent : on ne sait trop où elles vont !