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des vœux. Sur plus d’un point, les réalités espérées sont sorties de terre et commencent à s’épanouir. Voyez Lyon, par exemple. Nulle part n’est plus visible cette double épigenèse, à la fois interne et externe, par laquelle se forme, comme un être vivant, une Université adaptée à son milieu. Des Facultés venues au monde l’une après l’autre, se rapprochant, s’unissant, mettant en commun certains de leurs enseignemens, s’imprégnant peu à peu de l’esprit de solidarité, ne négligeant aucune occasion de l’accroître et de le manifester, créant des publications communes pour leurs travaux, groupant autour d’elles, à leur propre image, des étudians chaque année plus nombreux ; en dehors d’elles, une municipalité, soucieuse de tous ses devoirs, bâtissant pour elles, largement, splendidement, tout un quartier ; une Chambre de commerce leur demandant des chimistes et leur allouant des subventions ; une Société se constituant sous ce nom si expressif d’Amis de l’Université lyonnaise, pour leur donner patronage et assistance ; l’idée de l’Université germant peu à peu dans l’âme pensive et profonde de la cité, y poussant des ramifications partout, à la Croix-Rousse comme aux Brotteaux, pénétrant des classes riches dans les classes laborieuses, si bien que naguère un groupe d’ouvriers tisseurs parlait de donner mandat impératif aux conseillers municipaux de la faire, cette Université de Lyon ; les représentans les plus authentiques de l’esprit lyonnais disant d’elle : « Si nous pouvons obtenir pour notre ville la fondation de la première Université provinciale, ce sera peut-être une grande date dans l’histoire morale de notre pays[1], » voilà des faits, des faits qui prouvent que, créer des Universités, ce ne sera pas courir une aventure, mais répondre à des aspirations réelles et donner un état civil à des êtres déjà formés.

J’ai pris Lyon comme exemple. J’aurais pu prendre aussi Bordeaux ou Montpellier, d’autres villes encore. Partout l’examen des faits aurait montré qu’aux quatre coins de la France, comme au centre, on se rend compte, avec les nuances inévitables et nécessaires, du rôle et des services des Universités. L’idée, qui est essentiellement une idée de décentralisation, est décentralisée. C’est une preuve qu’elle est mûre. Ceux qui la réaliseront peuvent avoir la certitude qu’ils ne feront rien d’artificiel, et l’espérance qu’ils feront œuvre durable. Je ne redirai pas qu’en mettant ce faîte à l’édifice de nos lois scolaires ils feront œuvre nationale.


Louis LIARD.

  1. Aynard, Lyon en 1889.