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ans lorsqu’il se décida à se séparer de ses confrères pour aller passer dans la retraite les derniers jours d’une existence si active jusque-là, si constamment vouée au travail. Nous avons, dans un des chapitres précédens, essayé de résumer les titres qui lui avaient valu les suffrages de l’Académie en 1816. Le zèle, sans démenti d’aucune sorte, avec lequel il remplit, à partir de cette époque, les fonctions qui lui avaient été confiées ; la haute influence qu’il ne cessa d’exercer sur ses confrères par la sagesse de ses avis, aussi bien que par la certitude de son érudition ; enfin, — sans parler des ouvrages publiés par lui en dehors de ses écrits académiques proprement dits[1], — ses savans Mémoires, ses Rapports, ses nombreuses Notices historiques sur des membres de l’Académie des Beaux-Arts : tout cela, certes, explique et justifie de reste les termes d’une lettre par laquelle le président de l’Académie exprimait au secrétaire perpétuel démissionnaire les sentimens d’affection et les regrets unanimes de la Compagnie.

« Monsieur et illustre confrère, lui écrivait-il en réponse à l’envoi de sa démission, la lecture de votre lettre a produit la plus vive sensation. Mais l’Académie, par un mouvement spontané, vous ayant nommé secrétaire honoraire, conserve l’espoir de profiter longtemps encore de ce vaste savoir et de ces sages conseils qui, pendant tant d’années, ont été comme le génie tutélaire de ses travaux. Votre présence au milieu de confrères qui vous sont si profondément attachés sera encore pour l’Académie un sujet d’orgueil… »

Si les éloges contenus dans cette lettre n’exagéraient nullement l’importance, dans le passé, de l’homme éminent auquel on les adressait, les espérances qu’elle exprimait devaient être bien complètement déçues. La vie de Quatremère de Quincy se prolongea pendant dix ans encore ; mais ce ne fut plus qu’une vie inconsciente, ne se continuant que par la résistance d’un organisme physique exceptionnellement vigoureux ; ce ne fut plus qu’une succession de jours stériles et mornes. Cette intelligence si active naguère s’immobilisa peu à peu et finit par s’engourdir au point de devenir incapable du plus léger effort. De cette mémoire surprenante, qui gardait avec une sûreté imperturbable jusqu’au moindre des faits qu’elle avait une fois enregistrés, il ne resta plus rien, — pas même le souvenir des noms que portaient les amis les plus intimes, les visiteurs les plus familiers de l’ancien secrétaire perpétuel. Quelque lueur par

  1. L’Histoire entre autres, de la vie et des ouvrages de Raphaël (1824), les Vies des plus célèbres architectes de tous les temps (1830), Canova et ses ouvrages (1834), l’Histoire de la vie et des ouvrages de Michel-Ange (1835), etc.