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meulières ni les tuiles jaunâtres chères à la préfecture de la Seine, tristes aux yeux lorsque la poussière, délayée par la pluie, les a revêtues d’un ton grisâtre qui donne à tous les édifices municipaux une apparence de prison déplaisante et déplacée. Non-seulement les architectes ont tiré bon parti du terrain, — très régulier, du reste, — qui leur était livré, non-seulement, comme nous le verrons plus tard, ils ont ingénieusement distribué la maison pour la plus grande commodité de ceux qui l’habitent et qui la desservent, mais ils ont fait preuve d’une extrême économie, comme s’ils avaient compris que toute dépense superflue porterait préjudice aux vieillards hospitalisés, dont elle diminuerait le revenu. Le prix des constructions ne s’élève pas à 700,000 francs, ce qui paraît peu en rapport avec leur étendue, leur ampleur et leur solidité ; l’ameublement, qui est très convenable sans être luxueux, a coûté 134,000 francs. Donc, cette vaste maison, bien aménagée, bien outillée, contenant cent pensionnaires largement logés, le personnel d’administration, les sœurs, les gens de service, est revenue, les clés sur la porte, à 850,000 francs. Ce n’est pas cher, et je connais d’autres fondations hospitalières qui n’ont point été élevées à si peu de frais. La gestion du bien des pauvres implique l’économie et même la parcimonie, je le sais et je me contente de constater que, cette fois encore, on a été fidèle à un principe imprescriptible. Les dépenses nécessitées par les constructions et l’acquisition du mobilier une fois soldées, la maison de retraite reste propriétaire d’un revenu évalué environ à 132,000 fr., sur lesquels, — si j’ai bien compris certaines instructions ministérielles, — un neuvième doit être capitalisé tous les ans, pour faire face à des obligations futures ; car, tout solide que soit l’édifice, il est sujet à l’action du temps, il est exposé aux avaries et exigera plus tard des réparations pour lesquelles l’épargne agit sagement de se réserver dès aujourd’hui.

Le legs Galignani, dont on vient de mesurer l’importance, a, selon nous, une valeur morale exceptionnelle, car il vise une catégorie de personnes peu accoutumées, jusqu’à présent, aux largesses des bienfaiteurs, et, plus que d’autres peut-être, exposées aux avanies intimes de la vieillesse indigente, à cet état, parfois impitoyable, qui constitue celui des « pauvres honteux, » de ces hommes auxquels s’impose un extérieur encore acceptable et dont le vêtement ne s’acquiert qu’aux dépens de l’estomac. Par suite des fonctions qu’ils ont exercées pendant leur vie active et de la culture qu’ils ont donnée à leur esprit, ils ne conçoivent qu’avec horreur l’entrée dans les hospices publics ; ils ne s’y résignent qu’à la dernière extrémité, lorsque la faim les force à la subir comme la