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La Banque peut attendre, mais l’État le peut moins et le public moins encore. Le commerce est habitué au fonctionnement de ce grand mécanisme, et il ne peut lui convenir d’avoir à se demander avant peu, si oui ou non, dans sept ans, puis dans six, cinq ou quatre, ce mécanisme fonctionnera encore ou comment il fonctionnera. La question est à peine soulevée qu’il a hâte de la voir résolue. Aussi avons-nous vu, dès 1888, les chambres de commerce, les économistes, la presse, s’emparer du problème du renouvellement du privilège, l’examiner sous toutes ses faces et proposer même des solutions.

Et ce n’était pas trop tôt. Lors du dernier renouvellement, les pouvoirs publics s’y étaient pris fort à l’avance. L’échéance du contrat était en 1867. Dès l’année 1857, dix ans avant l’époque fixée, une loi assurait à la Banque, pour une nouvelle période de trente ans, dans les termes actuellement en vigueur, le droit exclusif d’émission des billets. Il y avait donc un précédent ; le législateur justifiait une telle anticipation par la nécessité de prévenir le trouble qu’une incertitude indûment prolongée ne manquerait pas d’apporter dans l’allure du crédit public.

C’est aussi le sentiment qui paraît avoir poussé il y a bientôt deux ans et demi un certain nombre de membres de la dernière chambre à présenter au parlement un projet de résolution ainsi conçu : « Une commission de trente-trois membres nommée dans les bureaux sera chargée d’étudier et d’établir, d’accord avec le gouvernement, les clauses et conditions auxquelles le privilège d’émettre des billets à vue et au porteur sera ou continué à la Banque de France ou conféré à un nouveau concessionnaire. »

Aucune suite ne fut donnée à ce projet de résolution. Il y avait à cela plusieurs bonnes raisons. La première, c’est que la chambre qui siégeait en janvier 1888 n’avait plus ni le temps ni l’autorité nécessaires pour régler une question d’une telle importance. Il fut tacitement convenu que l’affaire serait renvoyée à la prochaine législature. La seconde raison pour laquelle ce produit de l’initiative parlementaire ne pouvait être adopté, est qu’il avait été inspiré par une pensée hostile à la Banque. Les derniers mots de la résolution auraient déjà suffi à l’indiquer : «… sera ou continué à la Banque de France ou conféré à un nouveau concessionnaire. » Il ne s’agissait évidemment pas d’aborder la Banque comme une puissance amie avec laquelle il y a présomption d’accord, d’entente, de bonne volonté réciproque, mais bien de lui imposer des conditions impératives, avec menace, en cas de résistance, de provoquer une-concurrence trop heureuse d’acheter le privilège envié au prix d’une condescendance prête à toutes les abnégations.

Les auteurs de la résolution rencontrèrent peu d’adhérens dans