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capital. Ce taux, le gouvernement n’a aucun droit, il est vrai, et il faut s’en féliciter hautement, de l’imposer à la Banque. C’est le conseil général qui le détermine chaque semaine, ainsi que les sommes à employer aux escomptes. Ce conseil, on le sait, est composé : du gouverneur, des sous-gouverneurs, des régens et des censeurs, et les arrêtés se prennent à la majorité absolue (art. 34, 35 et 37 des statuts fondamentaux). Non-seulement le gouvernement n’intervient pas dans la fixation du taux de l’escompte, mais la loi du 9 juin 1857 (renouvellement du privilège) autorisait la Banque à élever, si les circonstances l’exigeaient, au-dessus de 6 pour 100 le taux de ses escomptes et l’intérêt de ses avances[1]. L’année même où cette faculté lui était donnée, la Banque dut élever le taux jusqu’à 10 pour 100.

Après avoir été tenu, pendant quelque temps après la création de la Banque, à 6 pour 100, le niveau resta, d’une manière générale, à 5 pour 100 de 1815 à 1820 et à 4 pour 100 de 1820 à 1847 ; il dut être relevé à 5 pour 100 quelques mois avant la révolution de février. Après la suppression du cours forcé, et pendant la durée du second empire, plusieurs crises financières interrompant une longue période de prospérité, il y eut de larges et fréquentes variations. Les épreuves par lesquelles on venait de passer avaient fait comprendre la nécessité de laisser à la direction de la Banque une grande latitude pour défendre son encaisse métallique, gage de la circulation fiduciaire, par les mêmes procédés qui servaient alors de protection à la Banque d’Angleterre. Cette liberté donnée à la Banque de modifier le taux de l’escompte toutes les fois que les circonstances l’exigeraient, et dans la proportion des périls qu’il s’agissait de prévenir, a servi d’aliment à maintes polémiques il y a un quart de siècle. La question, aujourd’hui, a beaucoup perdu de l’intérêt qu’elle présentait à cette époque. Les adversaires de la Banque demandaient, en ce temps-là, l’invariabilité du taux de l’escompte, et naturellement à un niveau qui fût aussi favorable que possible au commerce, par exemple à 2 et demi ou 3 pour 100. Cette réclamation était fondée sur une double erreur ; elle supposait d’abord que l’escompte était une sorte de privilège, alors qu’il est simplement l’opération de banque fondamentale, celle que pratique ou peut pratiquer toute institution de crédit quelconque, ne jouissant à aucun degré du droit d’émission de billets au porteur et à vue. C’est une opération libre pour laquelle la Banque n’a rien à attendre ni à recevoir de l’État, et dans l’exercice de laquelle l’autorité publique ne peut avoir qu’un rôle de réglementation pour

  1. Cette stipulation aujourd’hui n’aurait plus d’objet, la limitation du taux d’intérêt à 6 pour 100, fixée par la loi de 1807, ayant été abrogée.