Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/843

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SOCIALISME D'ETAT
ET
SOCIALISME CHRETIEN

Pourquoi aurait-on peur des mots, surtout quand ils ne veulent rien dire ? Le mot socialisme est aujourd’hui de ceux-là. Il n’en allait pas ainsi, voilà quelque cinquante ans ; toute la génération d’alors savait parfaitement ce qu’elle entendait dire lorsqu’elle parlait de socialisme et de socialiste. Le socialisme théorique était la mise en commun des instrumens de production, quels qu’ils fussent, outils ou capital, et la répartition par tête du produit. Le socialisme pratique était la confiscation des biens et le partage égal. Nos paysans, en 1848, appelaient les socialistes des partageux, et c’est la crainte des partageux qui a amené la réaction de 1852, avec tout ce qui s’en est suivi. Aujourd’hui nous avons changé tout cela. Les partageux d’autrefois sont dits aujourd’hui collectivistes ou anarchistes. Le nombre en a beaucoup diminué et pour le moment, ils ne sont guère menaçans. Quant au mot socialiste, il signifie… mais au fait, qu’est-ce que ce mot peut bien signifier ? Il est assez malaisé de le dire, tant il en est fait d’applications diverses dans le langage de la polémique courante. On décerne aujourd’hui l’épithète de socialiste aux hommes qui font profession des opinions les plus diverses, et ce qui n’ajoute pas médiocrement à la confusion, c’est que les uns repoussent cette épithète, tandis que les autres s’en font gloire. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : c’est que le mot a perdu la signification violente et un peu blessante qu’il avait autrefois. Il ne faut donc