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tous ces ouvriers, il doit s’acquitter avec sollicitude des devoirs du patronage, au sens élevé que M. Le Play attachait à ce mot, et comme il n’est pas dans la situation des industriels ordinaires, que peut retenir la crainte d’augmenter leur prix de revient par la création d’institutions patronales trop dispendieuses, il devrait se piquer d’offrir en ce genre des modèles à imiter. L’État, j’entends par là aussi le département et la commune, est encore architecte ou entrepreneur de travaux. Il fait pour son compte construire des maisons, percer et paver des rues, tracer et entretenir des routes. Enfin, il y a un certain nombre d’industries qui ne se peuvent exercer qu’en vertu de concessions qu’il accorde et de délégations qu’il confère : ainsi, par exemple, l’industrie des mines et celle des chemins de fer ; ainsi encore les grandes entreprises de travaux publics : gaz, eaux, etc. C’est par milliers que se comptent les existences qui, de ce chef, dépendent directement ou indirectement de lui, car l’État, comme tout donneur de concessions, a parfaitement le droit d’imposer à ses concessionnaires, dans l’intérêt de leurs ouvriers, telles conventions que bon lui semble. Veut-on un exemple de ce que l’État peut faire directement ou indirectement en ce genre ? Prenons le repos du dimanche. Si l’État s’interdisait rigoureusement de faire ou de laisser travailler le dimanche pour son propre compte, s’il s’ingéniait pour trouver dans les grands services publics qui dépendent de lui (postes et télégraphes) la conciliation nécessaire entre les besoins du public et la nécessité du repos hebdomadaire, si à tous les entrepreneurs de travaux publics travaillant pour son compte ou pour celui des départemens et des communes, une clause du cahier des charges interdisait de faire travailler leurs ouvriers le dimanche, si la même condition était imposée à tous les concessionnaires de l’État, et si l’État prenait sur lui la responsabilité des sacrifices qu’il est nécessaire de faire accepter du public pour arriver à ce résultat (suppression du service des marchandises et réduction du nombre des trains le dimanche), si l’Etat en un mot prenait à cœur cette question et accomplissait sur ce point tout son devoir, ne croit-on pas que la contagion de l’exemple ferait le reste, et que la question se trouverait ainsi résolue sans qu’il fût besoin d’avoir recours à cette extrémité regrettable d’une contrainte législative, pesant indistinctement sur toutes les industries et sur tous les citoyens ? Je dis : extrémité regrettable, car tant que le dimanche ne sera pas respecté par chacun, tant qu’il demeurera pour les chrétiens eux-mêmes un jour de divertissement, il y aura toujours quelque chose de choquant à ce que le travail soit interdit par la loi dans un pays où les mœurs permettent le plaisir.

Enfin, l’État qui participe à la puissance législative par le droit