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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/231

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février.

Jadis, au temps de la restauration, une femme d’élite qui a laissé le souvenir d’un esprit original, d’une âme généreusement libérale et d’une vertu séduisante, la duchesse de Broglie, résumait dans son journal intime la situation qu’elle voyait autour d’elle en disant que c’était « la tranquillité sans la stabilité. » C’est encore le mot du temps présent. La tranquillité, elle est certes partout aujourd’hui en France. Elle est dans les goûts, dans les instincts de la masse française qui ne demanderait pas mieux que de la voir se prolonger. C’est au moins la tranquillité matérielle et apparente. Ce n’est pas la vraie stabilité qui n’existe réellement que là où il y a une politique assez libérale pour pacifier les esprits, assez prévoyante et assez forte pour donner la sécurité et la confiance. Le malheur, l’incurable faiblesse des républicains semi-radicaux qui règnent parmi nous, c’est qu’ils ont beau faire, ils ont beau parler de stabilité, se donner des airs d’hommes de gouvernement, ils ne peuvent s’en défendre : ils restent des hommes de parti nés pour toucher à tout et tout confondre, toujours prêts à faire du gouvernement avec de l’arbitraire, de l’ordre avec du désordre, des lois avec leurs idées fausses ou avec leurs passions. La stabilité ! ils n’auraient qu’à la ménager dans leurs œuvres et à la laisser se fonder d’elle-même avec l’assentiment croissant du pays. Pas du tout; on dirait qu’ils prennent plaisir à empêcher la tranquillité de devenir la stabilité, à contrarier toutes les velléités de pacification, en perpétuant l’état de guerre, en montrant qu’ils ne savent être ni libéraux, ni justes, ni prévoyans, qu’ils n’ont d’autre souci que d’imposer jusqu’au bout leurs lois de combat, leurs caprices d’arbitraire, leurs raffinemens de persécution ou de fiscalité abusive. C’est ce qu’ils appellent faire du gouvernement et ce qui n’est que l’art au moins malheureux de remettre perpétuellement en doute la stabilité dont ils parlent !

La vérité est que ces étranges républicains ne savent ni se défendre