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M. LE DOCTEUR CARL PETERS

Un Allemand me disait : « Nous sommes fiers de notre Wissmann ; nous le sommes moins de notre Peters, et pourtant de ces deux Africains, celui dont nous faisons le moins de cas est peut-être le plus original et le plus remarquable. » Il y a plusieurs sortes de voyageurs et d’Allemands, et M. de Wissmann n’a guère de commun avec le docteur Peters que le courage intrépide et l’esprit d’entreprise. L’un est un soldat qui se laisse encadrer et employer ; l’autre est un irrégulier qui n’en fait qu’à sa tête, un Imaginatif qui n’est bon que pour les tâches qu’il s’impose à lui-même.

Les irréguliers ont beaucoup d’ennemis ; mais quand ils savent narrer leurs aventures, on les écoute avec plaisir. En même temps que le major de Wissmann racontait son second voyage à travers l’Afrique équatoriale, le docteur Peters publiait dans un gros et beau volume le récit détaillé de l’expédition qu’il entreprit en 1889 pour porter secours à Emin-Pacha. Le major a le style net, concis, court, rapide, d’un vrai militaire ; le docteur a beaucoup de verve, de naturel, de chaleur et le don de l’émotion communicative ; son livre est assurément l’un des récits de voyages les plus curieux et les plus captivans qu’ait inspirés le continent noir, A deux reprises, le bruit courut en Europe qu’il avait péri en route avec tout son monde, et il y eut des Allemands que cette nouvelle n’attrista point. Heureusement elle était fausse. Après de nombreux hasards, le docteur avait atteint l’Uganda ; de Mengo il se rabattit sur le sud pour gagner Bagamoyo, qu’il atteignit au mois de juillet 1890. Comme il traversait le lac Victoria, il se croisa avec une embarcation qui conduisait des missionnaires français à l’île Sesse.