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REVUE DRAMATIQUE

Théâtre-Français : Griselidis, mystère en 3 actes et un prologue, en vers libres, de MM. Armand Silvestre et Eugène Morand.

Il y avait une fois un jeune homme, de la maison des marquis de Salaces, qui s’appelait Gaultier. Longtemps il était demeuré sans prendre femme ; mais ses amis, par leurs conseils, et ses vassaux, par leurs prières, le décidèrent enfin au mariage. Or, le marquis ayant aperçu dans une ferme voisine de son château une paysanne de grande beauté, résolut de l’épouser. Il fit préparer les noces, auxquelles il invita tout le pays, et quand le jour fut venu, montant à cheval avec ses gentilshommes, il se rendit à la ferme où il avait vu la jeune fille. Elle revenait de la fontaine ; il l’appela et lui dit : « Griselidis, me veux-tu pour époux ? » — Elle répondit : « Oui, monseigneur, » et le suivit. Bientôt elle lui donna une fille, puis un fils. Alors s’empara de l’âme de Gaultier une bizarre et cruelle folie. Pour éprouver l’obéissance de sa femme, il imagina les plus atroces épreuves. D’abord il lui prit ses deux enfans, soi-disant pour les faire mourir, et la pauvre mère les donna sans résistance. Le père, cependant, envoya l’un et l’autre dans un pays éloigné, où il commanda qu’on prît soin d’eux. Quelques années plus tard, Gaultier annonça à sa femme qu’il avait l’intention de la répudier pour en épouser une autre; elle ne fît d’autre réponse que celle-ci : « Monseigneur, j’ai toujours pensé que ma basse condition ne convenait pas à votre haute naissance, et ce que je vous dois ainsi qu’à Dieu, ne l’ai jamais regardé comme don, mais comme prêt. Il vous