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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/925

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écarter les maux qui en résulteront. D’un côté, la mise en circulation de 50 millions de francs en papier-monnaie, réservés jusqu’au 1er janvier dans les caisses de l’État pour être amortis au fur et à mesure, et l’émission par décret de 60 autres millions de papier à cours forcé menacent de produire une grande dépréciation du papier de l’État. Il est très probable en outre que M. Balmaceda, de nouveau, à bout de ressources, aura encore recours aux assignats, ce qui aggraverait singulièrement la situation monétaire. D’un autre côté, les dépenses extraordinaires motivées par la guerre civile, les maux causés à l’agriculture, laissée sans bras par la mobilisation de 40,000 hommes et la suspension presque absolue de tout commerce d’importation et d’exportation, et, par suite, la cessation du travail des principales industries, amèneront inévitablement une crise économique pour le pays et de très graves embarras financiers pour l’État, à moins que M. Balmaceda, en voyant des proportions considérables prises par la révolution, ne se résolve, sans retard, à donner sa démission.

Telle est la révolution chilienne dans ses manifestations extérieures, ses causes et ses conséquences probables. Il faut espérer qu’un peuple aussi avancé que le Chili saura bientôt mettre fin à une situation aussi critique, née des caprices d’un homme qui, oubliant qu’il était le premier serviteur du pays, s’en est cru le maître ; à cette condition seulement le Chili pourra reprendre la voie du progrès et conserver le rang que son développement matériel et intellectuel lui assigne parmi les pays du nouveau monde[1].


  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, la situation réciproque des deux partis ne s’est pas notablement modifiée au Chili. Les seuls faits nouveaux qui méritent une mention spéciale c’est, d’une part, la destruction du cuirassé Blanco Encalada par un torpilleur présidentiel et, d’autre part, l’occupation de la province d’Atacama par l’armée du congrès. Les embarras financiers du président Balmaceda et sa situation déjà très critique se sont de plus considérablement aggravés par le séquestre des vaisseaux chiliens construits en France, que vient de décréter provisoirement le tribunal de la Seine. La réponse des capitalistes européens par lui sollicités et la résolution définitive adoptée dans cette affaire des navires ne peuvent manquer d’exercer une sérieuse influence sur la solution du conflit, ou tout au moins sur la durée des malheurs actuels du Chili.