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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.

Ce n’est pas tout de vivre, de durer, pour les gouvernemens et les institutions. On a vu de mauvais régimes durer quelquefois uniquement parce qu’ils avaient pour eux une certaine force des choses, la complicité des circonstances, les divisions de leurs adversaires, — parce qu’on ne pouvait les remplacer. Ils ont vécu tant bien que mal, comme des prodigues imprévoyans, en abusant de leur fortune, en épuisant tout, en subordonnant tout à un intérêt de domination vulgaire ou de vaine popularité.

Non, durer ainsi, ce n’est pas tout. L’essentiel serait de mériter de vivre, de commencer par respecter la constitution qu’on a faite, de mettre un peu d’ordre dans ses idées et dans les lois, de ne pas se croire tout permis parce qu’on a une majorité, de ne point renouveler sans cesse l’histoire des satisfaits de tous les temps, qui trouvent que tout va bien pourvu qu’ils régnent. Certes, au premier aspect, on ne peut pas dire qu’aujourd’hui, dans les affaires de la France, il y ait rien d’extraordinaire. La république paraît acceptée, la paix intérieure n’est pas sérieusement menacée. Les pouvoirs publics sont à leurs œuvres de tous les jours ; le chef de l’État et les ministres font de temps à autre leurs voyages, assurés de trouver sur leur chemin les ovations de circonstance et les occasions de discours. Le régime dure ! C’est vrai, — et cependant il y a un peu, de toutes parts, une secrète et vague incertitude des choses. Vainement les satisfaits du moment se complaisent dans leur infatuation et proclament l’éternité de leur règne : on sent que la corne d’abondance des fautes n’est pas inépuisable et que, si l’on vit, on ne vit pas bien, — ou du moins la dfficulté de