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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/959

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muet et laisse parler sir James Fergusson qui s’échappe par des subterfuges et des réticences.

Au fond, quelque obscurité qu’on s’étudie à prolonger, il paraît désormais avéré qu’il y a des engagemens entre l’Angleterre et l’Italie. On le conteste à peine, on se borne tout au plus à subtiliser. Ces engagemens n’ont pas sans doute la forme d’un traité précis conclu pour des circonstances inconnues ou secrètes : le ministère anglais ne pourrait signer un traité de ce genre qui engagerait l’Angleterre, sans le communiquer au parlement, il se mettrait en dehors de toutes les traditions britanniques ; mais il y a eu, ce n’est plus douteux, des dépêches, des notes échangées, des déclarations confidentielles, des promesses de garanties, dont l’objet serait le maintien de l’équilibre des forces actuelles dans la Méditerranée. Jusqu’à quel point vont ces assurances ? On retombe ici dans les conjectures et les contradictions. Il paraît du moins assez clair que l’Italie se croit autorisée, si la guerre éclatait, à compter sur l’appui et la protection des forces britanniques pour la sûreté de ses côtes, en gardant sa liberté pour les mouvemens de ses armées sur le continent. L’Italie s’exagère peut-être la portée des engagemens anglais ; elle semble, dans tous les cas, se croire garantie à tout événement. S’il en était ainsi, si elle ne se trompait pas dans ses interprétations, l’Angleterre, sans être directement dans la triple alliance, se trouverait entraînée à être un jour ou l’autre l’auxiliaire d’une coalition. Tout cela, dira-t-on, n’est qu’une simple précaution qui n’a rien de menaçant ni de désobligeant pour la France, puisque la France elle-même ne cesse de déclarer qu’elle ne veut que la paix. Oui, sans doute, c’est entendu, tout est pour la paix, rien ne menace la France. Seulement alors, contre qui prend-on ces précautions ? contre qui est dirigé tout ce travail de diplomatie, d’alliances, d’arrangemens plus ou moins dissimulés ?

C’est peut-être un jeu périlleux que de pratiquer ainsi la politique de la paix. Quant à la France, qui, effectivement, a prouvé plus d’une fois depuis quinze ans qu’elle ne songe à menacer personne, elle n’a qu’une conduite à tenir : laisser les autres à leurs combinaisons, surveiller les événemens sans esprit d’agression, sans illusion et sans faiblesse. Elle n’a qu’à attendre qu’on se fatigue de toutes les agitations, en faisant pour sa marine ce qu’elle a déjà fait pour son armée, et si, comme on l’a dit, il y a des faiblesses dans l’organisation de nos forces navales, c’est le devoir des chambres d’assurer au gouvernement les moyens de suffire à la protection des intérêts, de la sécurité et de l’honneur du pays.


Ch. de Mazade.