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jours ; comment, enfin, arrivés à peine à Paris, il fallait repartir aussitôt pour l’Espagne. En résumé, on nous avait préparé, sans le dire, une marche militaire de Berlin à Madrid.


A la revue du 11 septembre, l’empereur donna l’ordre de me faire rejoindre un autre régiment comme chef de bataillon. Il me reconnut avec mes épaulettes de capitaine adjudant-major et me dit :

— Mais je vous ai nommé chef de bataillon à Tilsit.

— Oui, sire, mais j’ai préféré rester capitaine au 32e.

— Peu importe, tous mes régimens sont bons. Berthier, vous veillerez à ce que cet officier se rende, comme chef de bataillon, à un autre corps.

Je fus désigné pour le 8e de ligne.

Il est remarquable qu’à cette époque, le public ne connaissait encore que très imparfaitement ce qui s’était passé en Portugal et en Espagne, et que ce furent les paroles de l’empereur lui-même qui révélèrent au régiment la nécessité d’envoyer des renforts en Espagne.

J’entrais donc en Espagne, en qualité de chef de bataillon au 8e de ligne, qui faisait partie de la 2e division du 1er corps. Ce corps conserva, dans l’armée d’Espagne, son numéro à la grande armée, probablement pour faire croire qu’il n’en était que temporairement détaché.

Le 12 septembre J808, mon brave régiment, le 32e, quittait Paris et prenait la route d’Espagne.

Je m’en séparais avec beaucoup de regret ; mais, sachant que le 8e allait aussi en Espagne, j’espérais y rencontrer souvent mes camarades. La veille, nous avions été reçus et fêlés par la garde impériale, les officiers à l’École militaire, les sous-officiers et soldats au Champ de Mars.

La ville de Paris, de son côté, faisait don d’une couronne d’or à chacun des régimens pour en orner son aigle.

Je dus attendre, à Paris, pendant quelques jours, le 8e qui n’était annoncé que pour le 20 septembre.

Partis de Paris, le 24 septembre 1808, nous arrivâmes à Bayonne le 24 octobre.

Cette ville était encombrée de troupes et de bagages. On commençait à savoir ce qui s’était passé en Espagne. Nous achetâmes, à Bayonne, ce qui nous parut nécessaire pour faire la guerre dans un pays pauvre, insurgé, et déjà dévasté.

Le 31, nous passâmes près de Vittoria, où se trouvait le quartier-général du roi Joseph Bonaparte.