Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une forêt d’oliviers. L’aile gauche s’appuyait à un petit mamelon portant une ferme isolée et dominant une assez vaste plaine. La cavalerie espagnole était derrière cette aile. À cette même ferme commençait la ligne anglaise. Elle avait été organisée avec le plus grand soin, au point de vue d’une défense énergique. Cette ligne de défense suivait les sinuosités du chemin qui conduit de Talavera aux montagnes, et qui est bordé d’un ruisseau. Elle s’élevait, avec ce chemin, par une série de mamelons, jusqu’aux montagnes, sur lesquelles on avait assis des retranchemens et des batteries. Le centre et la gauche des Anglais traversaient la plaine à découvert. Ils y avaient formé plusieurs lignes. Sur leur front, et à 100 toises environ en avant, se trouvait un ravin très profond et difficile à franchir. Leur gauche occupait un grand mamelon, qui était le point le plus élevé du champ de bataille. Au-delà de ce mamelon s’ouvrait, presque perpendiculairement à la ligne anglaise, une vallée qui va aboutir au Tage. C’était le seul défaut de cette position militaire. Dans cette vallée, lit desséché d’un gros ruisseau, était placée la cavalerie anglaise, qui formait leur extrême gauche. Quelques corps portugais occupaient encore la montagne au-delà. On estimait l’effectif des Anglais et Espagnols réunis à 65,000 hommes ; celui des Français, à 45,000 soldats excellons.

La ligne des Français était irrégulière. A leur droite, et en face du mamelon qu’elle n’avait pu conserver la veille, après l’avoir enlevé, était la 1re division du 1er corps (Ruffin), rangée en colonnes.

La 3e division (Vilatte), en arrière d’elle, formait la réserve du maréchal Victor. La cavalerie était à notre extrême droite, au débouché de la vallée qu’occupait la cavalerie anglaise.

La 2e division, dont nous faisions partie, et qui était sous les ordres du général Lapisse, était à gauche des deux autres, en face le centre des Anglais et très près d’eux. Un énorme ravin, étroit et profond, était devant nous. C’était ainsi que les trois divisions du 1er corps avaient passé la nuit.

Le 4e corps, la garde et la réserve du roi Joseph étaient encore à une lieue, derrière la rivière de l’Alberche. Le maréchal Victor voulait attaquer sur-le-champ. Le maréchal Jourdan était d’avis de ne pas le faire et d’attendre l’arrivée du maréchal Soult, avec trois corps d’armée, sur les derrières des Anglais. Les deux maréchaux se contrariaient en toutes choses. Le roi, commandant en chef, était indécis. Enfin, le combat ayant été résolu, les généraux ne pouvaient s’entendre sur la manière d’attaquer. L’armée, qui sentait ces hésitations, n’avait aucune confiance en eux.

Le jour allait paraître. Les commandans des régimens pressaient le général Lapisse de donner l’ordre de déployer leurs corps, afin