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sans doute l’emprunt nécessaire. Il est probable qu’il se formerait des banques locales pour en fournir les fonds et qu’en tout cas la Banque de France ne refuserait pas ses services qu’elle accorde déjà dans certains cas aux agriculteurs.

Un mot ne sera pas ici de trop sur ce rôle de la Banque de France dans le crédit agricole. On a soutenu plus d’une fois qu’il était rendu impossible tant que la Banque de France aurait seule le privilège d’émettre des billets. C’est aller trop loin, selon nous. S’il est vrai que cette interdiction nous ôte le moyen d’avoir l’analogue des banques d’Ecosse, elle ne ferme pas pour cela la carrière à des combinaisons d’une application utile et féconde. Même en laissant intact le privilège de la Banque de France, qui n’est pas d’ailleurs en question, on n’est pas dans l’obligation de renoncer à former des banques locales. Il y a même déjà quelques essais en ce genre, à Angers, par exemple, et il s’est établi à Senlis une banque formée par des cultivateurs, qui s’est constituée on société à capital variable, avec actions de 500 francs donnant droit à un crédit égal. Cette combinaison permet d’acheter en commun des matières et des instrumens payables dans le délai de trente jours ; mais elle ne se refuse pas à accepter des billets à quatre-vingt-dix jours ou à six mois, et c’est la Banque de France qui les escompte. Tout récemment, la Société des agriculteurs de France émettait ce double vœu : 1° que le gouvernement encourage la formation et le fonctionnement des sociétés mutuelles de crédit agricole ; 2° qu’à l’occasion du renouvellement du privilège de la Banque de France, il obtienne que le papier présenté à l’escompte par ces sociétés soit accepté avec des délais de remboursement et à un taux en rapport avec les nécessités et les profits de l’agriculture. On invoque l’exemple des grandes banques italiennes d’émission, particulièrement du Banco di Napoli, qui montre qu’un taux d’escompte plus favorable et des renouvellemens plus étendus peuvent être attribués à des sociétés de crédit mutuel.

Le projet soumis à la chambre ne parle pas du concours que pourraient prêter les caisses d’épargne au crédit agricole. Nous comprenons les motifs de cette réserve sans être tenu de l’imiter. Il est de toute évidence qu’une grande prudence s’impose lorsqu’on soulève une question qui touche de si près à la sûreté des placemens de l’épargne populaire. Mais ici encore il est permis d’invoquer l’autorité des faits, et on est en outre amené à s’interroger sur la situation particulière où nos caisses d’épargne se trouvent placées. On ne peut ignorer que ces caisses ont, chez des peuples voisins, rendu d’éminens services par des prêts sagement ménagés aux agriculteurs. Ne pourraient-elles être appelées au même office